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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 14:20

LEMONDE | 02.02.12 | 11h04

 

73 personnes ont trouvé la mort mercredi 1er février au stade de Port Saïd.

73 personnes ont trouvé la mort mercredi 1er février au stade de Port Saïd.REUTERS/STRINGER


Le Caire Correspondance - Trois buts à un, 73 morts et un millier de blessés. C'est le bilan macabre et provisoire du match qui a opposé, mercredi 1er février, dans le stade de Port-Saïd, les équipes égyptiennes du Masry SC et du célèbre club Ahly, le plus grand club du Caire et le plus titré d'Afrique. Jamais les affrontements qui scandent les matchs de football égyptiens n'avaient fait autant de victimes.

A peine l'arbitre avait-il sifflé la fin du match, que les supporteurs du Masry de Port-Saïd, pourtant victorieux, ont envahi la pelouse à la poursuite des joueurs de l'équipe adverse. Assaillis à coups de jets de pierres, de bouteilles et de fusées de feux d'artifice, ces derniers ont fui vers les vestiaires cependant que leurs propres supporteurs descendaient à leur tour sur le terrain, provoquant une mêlée meurtrière de près d'une heure au cours de laquelle des dizaines de personnes sont mortes écrasées, atteintes par des projectiles ou étouffées entre la pelouse du stade et les couloirs de l'édifice. "Un massacre, je n'ai jamais vu autant de cadavres à la fois", a déclaré le député Al-Badry Farghaly, représentant de Port-Saïd au Parlement fraîchement élu.

Réfugiés dans les vestiaires, fans et joueurs du Ahly ont immédiatement contacté les médias pour accuser les forces de sécurité d'avoir encouragé l'attaque en laissant leurs assaillants grimper dans les tribunes adverses. Ils ont dénoncé l'absence remarquable de la police qui n'aurait, selon eux, pas appliqué les procédures habituelles de sécurité, alors qu'elle a l'habitude de contrôler strictement les mouvements dans les stades. "Il s'agit d'une guerre programmée", a accusé sans détour le docteur Ehab Ali, médecin de l'équipe.

 

HYMNES PROVOCATEURS

"Pourquoi le gouverneur de Port-Saïd et le chef de la sécurité locale étaient-ils absents à ce match très sensible, alors qu'ils sont toujours là d'habitude? Pourquoi les fans du Masry nous ont-ils attaqués alors qu'ils avaient gagné?", s'interrogent les supporteurs d'Ahly, dont beaucoup assurent qu'ils s'attendaient depuis quelques jours à une répression policière violente contre leurs membres.

Bête noire du régime militaire, les supporteurs "ultras" sont devenus, depuis la révolution, les héros des combats de rue autour de la place Tahrir et les symboles de la résistance aux abus des forces de sécurité. Leurs hymnes provocateurs et leurs emblèmes, comme l'acronyme ACAB pour "All Cops are bastards" ("Tous les flics sont des bâtards") sont devenus les symboles d'une jeunesse rebelle qui continue à défier le pouvoir militaire.

Supporteurs de football persécutés par le régime d'Hosni Moubarak, ils ont été des acteurs de premier plan dans les affrontements qui ont abouti à la chute du raïs, le 11février 2011. Depuis la révolution, ils sont de tous les combats révolutionnaires et ont payé un lourd tribut lors des batailles des rues Mohammed-Mahmoud et Qasr Al-Ayni qui ont opposé de jeunes militants à la police militaire auCaire en novembre et décembre 2011.

Lors de ces combats, l'hostilité des ultras vis-à-vis de la police a pris le pas sur leurs légendaires rivalités sportives. Quelques jours avant le drame de Port-Saïd, les White Knights, supporteurs du Zamalek ont émis, lundi 30janvier, un communiqué appelant leurs ennemis historiques, les Ahlawy, à accepter une trêve et à s'unir "pour le bien de l'Egypte". Deux jours auparavant, lors d'un match retransmis en direct, les ultras, qui agitaient de grands drapeaux arborant les visages de martyrs de la révolution, avaient chanté pendant plusieurs heures le célèbre slogan "A bas le régime militaire !".

 

"IL NE PEUT S'AGIR D'UNE COÏNCIDENCE"

"On a voulu décapiter le groupe de ses éléments les plus durs à un moment où l'unité des groupes ultras devenait de plus en plus forte, estime un membre des White Knights, sous couvert d'anonymat. La complicité entre les supporteurs du Masry et les forces de l'ordre est évidente : pendant le match, ceux du Masry chantaient des slogans favorables au Conseil militaire [le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirige le pays depuis près d'un an]." A l'aéroport, où il était venu accueillir les joueurs évacués par avion militaire, le chef du CSFA, le maréchal Mohammed Hussein Tantaoui, qui a décrété un deuil national, s'est heurté à l'hostilité des footballeurs les plus célèbres, qui ont refusé de le rencontrer. Le maréchal Tantaoui a lancé des appels ambigus "au peuple égyptien pour qu'il participe à la chasse aux responsables". "Le peuple connaît les coupables", a-t-il ajouté, plongeant nombre d'Egyptiens dans la perplexité.

"C'est un appel à s'entre-tuer!", ont estimé les milliers de protestataires massés sous les voûtes néopharaoniques de la gare centrale duCaire où, à deux heures et demie du matin, familles, supporteurs et révolutionnaires sont venus accueillir en héros les rescapés du "massacre". "A mort Tantaoui!", ont scandé en chœur ultras et militants unis dans une même fièvre contre l'armée et les Frères musulmans, vainqueurs des élections législatives.

Ces derniers ont fini par prendre officiellement position contre les forces de police. "Les officiers de police nous punissent pour nous être révoltés, a déclaré leur porte-parole Mahmoud Ghozlan. Une fois de plus, les autorités sont incapables d'établir les responsabilités." De quoi écarter les soupçons des révolutionnaires, qui les accusent depuis des jours d'avoir passé un accord tacite avec les militaires.

Dans un contexte politique tendu, des analystes et des députés n'hésitent pas à accuser les militaires de chercher à provoquer le chaos pour mieux justifier leur maintien au pouvoir : "Il ne peut s'agir d'une coïncidence, a déclaré à la télévision Ziyad Al-Ellimi, jeune député du Parti social-démocrate. Ce massacre arrive un jour après que le premier ministre est venu au Parlement essayer de nous convaincre de la nécessité de maintenir l'état d'urgence." Certains, comme le député libéral indépendant Amr Hamzaoui, ont demandé la démission du ministre de l'intérieur. Le championnat de première division a été suspendu.

La nouvelle union sacrée des groupes ultras, confortée par ce drame, vient renforcer les rangs des militants qui tentent depuis l'anniversaire du début de la révolution, le 25 janvier, de faire pression sur les parlementaires pour qu'ils forcent les militaires à abandonner le pouvoir et procèdent à une restructuration de l'appareil de sécurité.

Alors que le Parlement s'apprêtait à se réunir en urgence jeudi matin, les révolutionnaires préparaient des manifestations massives devant l'assemblée du peuple en commémoration de la "bataille des chameaux" du 2 février 2011, au cours de laquelle des hommes de main du régime Moubarak avaient attaqué les manifestants place Tahrir.

Claire Talon


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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 13:43

LEMONDE.FR avec AFP | 31.01.12 | 21h17

 
 

 

Une manifestante pro-démocratie discute avec des partisans des Frères musulmans qui les empêchent d'accéder au Parlement égyptien, le 31 janvier.

Une manifestante pro-démocratie discute avec des partisans des Frères musulmans qui les empêchent d'accéder au Parlement égyptien, le 31 janvier.AFP/KHALED DESOUKI


Des partisans des Frères musulmans, qui dominent l'Assemblée égyptienne, ont empêché mardi 31 janvier plusieurs centaines de manifestants réclamant le départ des militaires au pouvoir de parvenir au siège du Parlement, selon des photographes de l'AFP.

Des militants avaient appelé à une marche depuis la place Tahrir, épicentre de la révolte qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak le 11 février 2011, jusqu'au siège du Parlement, pour presser la nouvelle Assemblée de réaliser les objectifs de la révolution : fin des procès de civils devant des tribunaux militaires, refonte du ministère de l'intérieur, respect des libertés et de la justice sociale. A l'intérieur du Parlement, le premier ministre Kamal Ganzouri, âgé de 78 ans, s'adressait à la chambre basse nouvellement élue, où des députés, islamistes notamment, lui ont reproché la lenteur des réformes.

Alors qu'ils commençaient leur marche en direction du Parlement jouxtant la place Tahrir, les manifestants ont été bloqués par des militants des Frères musulmans. "Nous nous tenons là comme des boucliers humains car si les manifestants vont plus loin, ils s'affronteront avec la police. Ils veulent entrer à l'Assemblée, que voulez-vous que je fasse", a déclaré un membre de la confrérie, Hamdy Adbdelsamad.

 

PROTESTATION ANTI-CSFA

Derrière lui, les manifestants scandaient des slogans contre le Conseil suprême des forces armées, qui dirige le pays depuis le départ de l'ancien président, mais aussi contre la confrérie. "Badie, tu es en train de vendre la révolution", ont scandé les manifestants, en référence au guide suprême des Frères musulmans, Mohammad Badie. Après plusieurs heures, les manifestants ont renoncé à leur projet de parvenir à l'Assemblée et sont retournés manifester non loin, devant le siège de la télévision.

Les Frères musulmans ont, à travers leur formation politique, le Parti de la liberté et de la justice, raflé 47 % des sièges aux premières élections législatives depuis la chute du président Moubarak. L'ensemble des formations islamistes détient les trois quarts des sièges de l'Assemblée, dont la séance inaugurale s'est tenue le 23 janvier.

Ces derniers jours, la célébration du premier anniversaire de la révolte anti-Moubarak lancée le 25 janvier 2011 s'est accompagnée d'une poussée de contestation contre le pouvoir militaire. L'armée a promis de céder la place une fois un président démocratiquement élu, avant la fin juin, mais beaucoup l'accusent de perpétuer la politique répressive de l'ancien régime et de chercher à préserver les privilèges de l'institution militaire.

 

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 14:01

LEMONDE.FR avec AFP | 27.01.12 | 13h34

 
 

 

Place Tahrir, le 27 janvier 2012.

Place Tahrir, le 27 janvier 2012.REUTERS/SUHAIB SALEM


Des milliers d'Egyptiens étaient réunis vendredi à la mi-journée pour prier sur la place Tahrir au Caire, avant une manifestation destinée à réclamer notamment le départ des militaires au pouvoir depuis la chute il y a bientôt un an du président Hosni Moubarak. Des défilés doivent partir des différentes mosquées du Caire après la prière hebdomadaire du vendredi pour les rejoindre à Tahrir, qui fut l'épicentre de la révolte populaire de janvier-février 2011.

Cette journée a été placée sous le slogan "de la fierté et de la dignité" par les dizaines de groupes pro-démocratie à l'initiative de la mobilisation. Les protestataires ont rejoint des centaines de personnes campant sur place depuis mercredi, date anniversaire du soulèvement, et se sont rassemblés pour la prière au milieu des tentes. Brandissant drapeaux et banderoles, les manifestants réclament la mise en œuvre des objectifs de la révolution, notamment la fin du recours à des tribunaux militaires pour juger des civils, une restructuration du ministère de l'intérieur, et le respect des libertés et de la justice sociale. "Allez Egyptiens, main dans la main, nous verrons une aube nouvelle", scandaient-ils. Des manifestations doivent également avoir lieu dans d'autres villes du pays, en particulier à Alexandrie et à Suez.

 

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22 janvier 2012 7 22 /01 /janvier /2012 13:33
Libération - Hier à 0h00
Des lendemains qui déchantent

 

EnquêteLe 25 janvier, la place Tahrir célèbrera l’anniversaire du soulèvement. Après la victoire des islamistes, certains espèrent une seconde révolution. D’autres resteront chez eux, apeurés ou lassés du chaos permanent.


Par CLAUDE GUIBAL Le Caire, de notre correspondante

Au Caire, le 2 janvier dernier. (Photo Stringer Egypt. Reuters)

La pancarte est rangée, soigneusement, dans un coin de son appartement. Il l’a gardée, la regarde, la touche même parfois, comme pour empêcher la fuite de souvenirs déjà effrités par cette année d’espoirs hoquetants. Plus de trois cent soixante aubes ont passé, mais il se souvient comme hier de ce matin d’hiver, blanc et brumeux, où il a fermé sa porte avant de descendre dans la rue. Jusque sous son menton, il avait remonté la glissière de sa veste bleue. Entre la toile et la laine de son pull, la pancarte roulée, avec ces mots en capitales rageuses : «Moubarak dégage». Dans les rues du Caire, les Egyptiens vaquaient, presque comme à l’accoutumée, n’était cette tension diffuse, en ce jour décrété fête de la police, où plusieurs organisations avaient appelé à manifester contre le régime. Cette police honnie, incarnation de tous les abus, impunité de l’uniforme, corruption, brutalité…

 

La semaine précédente, dans toute l’Egypte, des hommes s’étaient immolés, un, puis deux, puis quatre, répliques du séisme tunisien qui venait de chasser Ben Ali. Puis, il a marché jusque devant le syndicat des journalistes, lieu traditionnel de rassemblement des activistes, où personne ne manifestait encore, incapable de se douter qu’une heure plus tard, le pays à son tour allait basculer sur l’autre versant d’une histoire paralysée par trente ans de règne d’Hosni Moubarak. Les hommes d’Amn el-Dawla, la terrifiante sécurité de l’Etat étaient là, avec leurs grosses lunettes noires, leurs tenues civiles qui ne trompaient personne, filmant la foule avec leur téléphone portable. Puis, il y eut le micro d’un journaliste étranger, et d’une voix rendue sourde par la colère, si longtemps tue, si longtemps refoulée, il s’était présenté.

 

«L’homme aux machoires serrées»

Banquier retraité, sexagénaire, grand-père. Un nanti, ou presque, un de ceux qu’on aurait imaginés du côté du système, et qui n’en pouvaient plus de ne plus se regarder en face. Puis, les maxillaires crispés par la tension, il avait sorti de son blouson sa pancarte, et s’était fait emporter par la vague de policiers furieux. Son visage et sa pancarte, capturés par les objectifs, ont fait le tour du monde. La photo de «l’homme aux mâchoires serrées» a même été qualifiée d’image de l’année par un journaliste de CNN. «Un jour, la pancarte, je l’encadrerai. Mais le 25 janvier, je vais la ramener sur Tahrir. Avec son "MOUBARAK DEGAGE". Parce qu’un an après, rien, rien n’a changé.» L’homme aux mâchoires serrées s’appelle Abdel Megid el- Meheimy. Il a le regard fixe et un peu fou de ceux qui ont rencontré leur destin. Le sien s’est marié à la révolution. Toute l’année écoulée, il en a accompagné le mouvement, rejoignant les rangs de la coalition laïco-libérale el-Kotla, le Bloc égyptien, multipliant les réunions politiques, présent à toutes les manifestations, assistant, impuissant, à la déroute de la révolution, abandonnée aux mains de l’armée.

 

Cette armée qui a renversé la monarchie en 1952 et a dirigé depuis le pays dans l’ombre, mettant en première ligne des militaires habillés en civils, comme Nasser, Sadate ou Moubarak. Une armée que beaucoup soupçonnent d’avoir pris en route puis kidnappé le train de la révolution afin de préserver ses pouvoirs et ses privilèges. C’est un insaisissable et omniprésent fantôme, dont on ne connaît officiellement ni les effectifs, ni le budget. A la tête d’entreprises, d’usines, de terrains, de résidences de vacances. Le procès d’Hosni Moubarak, accusé entre autres de détournement de fonds public, a lieu à huis clos, comme s’il s’agissait, disent certains, d’éviter que ne soient compromis ceux qui auraient pu bénéficier du juteux système de commissions sur les ventes d’armes qui aurait permis l’enrichissement du clan Moubarak dès les années 1970. L’immunité des militaires face à la justice civile, réclamée par l’armée, est d’ailleurs un des points de crispation qui entoure la rédaction de la future Constitution.

 

«Un an après, je ne suis pas optimiste», souffle Abdel Megid. Lundi, sous la coupole de l’Assemblée du peuple, le premier Parlement islamiste d’Egypte va se réunir : 70% des sièges ont échu aux Frères musulmans, aux salafistes et aux barbus en tout genre, au terme de plus d’un mois de marathon législatif pendant lequel l’Egypte, en trois phases successives, a voté. Le parti laïc Kotla n’a même pas fait 10%. Abdel Megid et toute l’aile laïque de la révolution ont beau se dire qu’il faut accepter le résultat des urnes, la démocratie leur laisse parfois un arrière-goût amer.

 

«L’armée ne lâchera pas»

«Moi, je n’aipas peur des islamistes. Ce dont il faut avoir peur, c’est du Scaf [le Conseil suprême des forces armées].» La voix d’Alfred résonne dans l’appartement au plafond haut qu’il occupe avec un ami, à Zamalek. L’armée, il respecte, dit-il. Mais le Scaf «n’est qu’une bande de dictateurs».

 

A la tête du collectif de gradés qui dirige l’Egypte depuis un an, l’ex-ministre de la Défense d’Hosni Moubarak, le maréchal Hussein Tantawi. Le 30 juin, le maréchal l’a promis, l’armée passera le témoin à un pouvoir civil élu. Mais Alfred doute. «L’armée ne lâchera pas, confirme un diplomate. Elle va profiter du choc et de la peur inspirée par la victoire des islamistes pour se maintenir, d’une façon ou d’une autre.» Chacun s’attend à un tour de passe-passe, lors de la rédaction de la Constitution, qui lui garantira de garder la main sur toutes les décisions engageant l’avenir de l’Etat, ainsi que l’opacité totale sur ses finances. Des finances qu’on devine immenses : les militaires ont ainsi pu annoncer ex abrupto le mois dernier le prêt d’un milliard de dollars au gouvernement, afin de soutenir la monnaie.

 

Sous les yeux clairs d’Alfred, la fatigue et la révolution ont laissé des ombres violettes, qui durcissent son visage, hier encore juvénile.L’année qui a passé, il a vécu mille vies. Le gamin de Shoubra, quartier chrétien et populaire du Caire, ingénieur en technologies de l’information, est un «dedicated revolutionary», comme il se qualifie sur le profil du compte Twitter qu’il alimente sans relâche, ponctuant ses interventions de mots-clés anti-armée, #NoScaf, #FuckScaf. Un camé de la révolution, incapable de décrocher de son shoot d’adrénaline. Il ne compte plus ses batailles, les raconte comme une geste.

 

A toutes les dates clés de la révolution, celle où le sang a coulé et où les martyrs, aux visage graffités sur les murs de la capitale, sont tombés, Alfred était là. La bataille des ponts, en janvier. Celle des chameaux, en février. Celle d’Abbaseya, quand pour la première fois, l’armée et le peuple se sont affrontés. Celle de Maspero, quand les chars ont foncé dans la foule des chrétiens, nuit de folie où Alfred a eu si peur, parce qu’il était chrétien. Celle de la rue Mohamed-Mahmoud, en novembre, où plus de quarante personnes sont mortes, dont plusieurs sous l’effet des milliers de grenades de gaz toxique tirées par la police. Et celle, juste avant Noël, où les militaires ont fondu comme une nuée sur les manifestants. Tapant, tirant sur ceux qui maintenaient leur sit-in devant les bureaux du nouveau Premier ministre Kamal el-Ganzouri pour en réclamer le départ. Les télévisions du monde entier, horrifiées, ont diffusé l’image de cette femme voilée frappée, inconsciente, le vêtement relevé découvrant son soutien-gorge bleu, et ce soldat piétinant sa poitrine.

 

«All cops are bastards»

Pour se justifier, l’armée a dénoncé un plan visant à déstabiliser le pays, expliquant être intervenue pour protéger les biens publics contre «des saboteurs». Des voyous «tout juste bons à être jetés dans les fours de Hitler», a renchéri le général Kato. N’est-ce pas eux qui ont mis le feu au vénérable Institut d’Egypte, dont les livres anciens ont été réduits en fumée lors des affrontements ? Version officielle qui n’explique pas pourquoi les pompiers de la caserne située à 100 mètres n’ont pas bougé pour éteindre les flammes, rétorquent ceux qui voient là la main de la contre-révolution.

 

En contrebas de chez Alfred, les supermarchés brillent de toutes leurs vitrines. Dans les cafés à la mode, l’Egypte dorée s’inquiète, au-dessus de cappuccinos fumants, des lendemains qui déchantent. Sur l’autre rive du Nil, les ruelles d’Imbaba, quartier populaire et fortement marqué par l’islamisme. Là, il y a quelques jours, les kazeboun, les «menteurs» sont venus sensibiliser la population. Le mouvement s’est créé au lendemain des derniers affrontements. «Il y a un an, je criais "Moubarak dégage !" Aujourd’hui, je crie "maréchal dégage. N’ayez pas peur !"» Un drap tendu entre deux piquets, un vidéo-projecteur : où qu’ils passent, les kazeboun improvisent des projections d’un film dans lequel ils démontent un à un les arguments de l’armée, «les mensonges du Scaf». Les déclarations des officiels lors de conférences de presse sont confrontées aux violences militaires, aux témoignages des activistes tabassés ou arrêtés.

 

Alfred, c’est typiquement un de ces «petits imbéciles» que ne supportent plus Nadia et son mari Islam, les épiciers de Mounira. Ils vivent dos à Kasr al-Aini, la grande avenue qui mène à Tahrir. Pendant la révolution, ils ont baissé la grille de la boutique, mais continué à servir les habitants du quartier qui venaient toquer au volet. Ils ne comptent plus les fois où, trop exposés, ils ont barricadé à la hâte le magasin. Sur la façade, tout près du mini-congélateur qu’ils sortent sur le trottoir, quelqu’un a peint un grand «ACAB». Nadia ne sait pas que cela veut dire «all cops are bastards», mot d’ordre des ultras du club de foot d’Ahly, qui ont mis au service des manifestants anti-armée leur expertise du combat de rue et leurs troupes. «L’armée, c’est ce qu’il nous faut !» tempête Nadia derrière son comptoir.

 

«Les petits excités du 6 avril»

Nadia a tenté de l’expliquer une fois à des manifestants : «L’armée est la protectrice de la révolution ! S’ils l’avaient voulu, les militaires auraient tiré sur la foule pendant le soulèvement ! Ils ne l’ont pas fait ! Ils ont emprisonné Moubarak, ils l’ont collé au tribunal.» Dans son épicerie aux murs barbouillés de peinture bleue, elle en voit passer, du monde, et chacun, dit-elle, est dans le même état d’esprit : «Ras-le-bol ! Il faut reconstruire le pays, tout est à refaire. On a besoin d’ordre et de discipline.» L’insécurité, le chaos permanent, l’épuisent. La révolution, elle est aussi la sienne, et elle compte bien le faire entendre sur Tahrir le jour anniversaire de la révolution, décrété fête nationale, la semaine dernière, par les militaires. Les «petits excités», comme Alfred, et toute la clique des jeunes du mouvement du «6 avril», sont manipulés par des puissances étrangères pour déstabiliser le pays : c’est la tonalité des médias nationaux qui, reprenant les déclarations des militaires, font peser le soupçon sur les intentions de ceux qui continuent à jouer les jusqu’auboutistes. Nadia, vraiment, voudrait que la vie reprenne son cours. Moubarak dehors, c’est bien, il fallait changer. Mais maintenant, «khalas», dit-elle comme des millions d’autres égyptiens, «fini».


Ras-le-bol du marketing révolutionnaire entretenu jusqu’à la lie. La nouvelle Assemblée, enfin, va se réunir. La Constitution, dit-on, pourrait être rédigée en deux semaines. D’ici un mois, on vote pour le Sénat, et avant l’été, inch’allah, pour le Président. Le candidat Mohamed el-Baradei, si prisé des médias internationaux, a jeté l’éponge, dénonçant l’absence d’un réel cadre démocratique ? Nadia sûrement s’en fiche. L’homme n’avait que peu de popularité, critiqué même au sein du Bloc égyptien. Ce qu’elle veut, elle, c’est un militaire, un homme fort. Point final. A la radio, Nadia a forcément entendu la chanson Ya el midan,«toi la Place». Un hommage au peuple de Tahrir que Cairokee, l’un des groupes phares de la révolution, chantera probablement devant la foule mardi. «Nos vies ont enfin un sens […] / Toi la place, tu as rassemblé autour de toi un peuple brisé / Toi la place, tu es comme une vague que certains chevauchent et qui en emporte d’autres / et ceux qui nous regardent disent que ce n’est qu’unefolie, que de toute façon, les destins sont écrits.»


C’est bien ce que s’est dit Ibrahim Hazem, le 28 novembre, en installant devant le bureau de vote de Garden City, la table où les observateurs des Frères musulmans répondaient aux questions des votants. Que de chemin parcouru en un an : la confrérie hier interdite, légalisée, dotée d’un parti, est devenue la première force politique du pays, avec plus de 46% des sièges à l’Assemblée. Sur sa veste, Ibrahim avec fierté a épinglé un badge du PLJ, le Parti liberté et justice des Frères musulmans. «Jugez-nous sur pièces. Il n’y a pas de raison d’avoir peur de nous. Maintenant, c’est la démocratie ; si nous prenons des décisions qui déplaisent au peuple, nous aurons à rendre compte devant le Parlement et dans les urnes.» Quand on lui parle islamistes au pouvoir, il répond pragmatisme, programme économique, assainissement des finances. Les Frères musulmans viennent de fonder leur club d’affaires, pour rassurer les investisseurs. Et quand on évoque les salafistes, ces concurrents trop longtemps sous-estimés, il botte en touche. «L’Egypte, c’est le pays de la modération. Nous ne sommes pas des extrémistes, nous garantissons la liberté de culte, la liberté de pensée, la pluralité démocratique.»


L’Egypte surprise par la vague salafiste… De quoi réjouir Islam Hegazi. Sur son menton une broussaillle s’effiloche en longs poils bruns. Son pantalon est coupé court, au-dessus des chevilles. «Nous sommes des pacifistes, et des amoureux de la vérité. On a fait croire aux gens que les salafistes n’étaient que des terroristes qui tuaient, coupaient des oreilles, méprisaient les femmes. Bien au contraire ! Nous les respectons tellement que nous ne voulons pas qu’elles souffrent ou qu’elles soient souillées par le regard ou la violence des autres hommes dans la rue, c’est pourquoi nous leur conseillons de rester à la maison.» Jamais Islam ne se hasarderait à toucher la main d’une femme. Il les regarde le moins possible, préférant fixer le trottoir ou le vide. «Cela ouvrirait la porte au désir, et je ne dois pas prendre le risque de m’engager sur la voie du péché.»


«Les gens ont soif de pureté»

Islam n’en revient pas : le mouvement salafiste al-Nour a engrangé près d’un quart des voix. Créé avec la révolution, le parti a été l’outsider imprévu de ces élections. Il a fait le plein dans les couches populaires, et surtout dans les campagnes, oubliées de la révolution, se présentant comme le véritable parti de Dieu, en opposition aux Frères musulmans, «plus préoccupés par la politique que par le véritable islam». Déjà, des histoires circulent, invérifiables, sur ces brigades du vice et de la vertu, qui se seraient créées pour contrôler les mœurs. Des répliques des fameux muttawa’in qui terrorisent les Saoudiens en patrouillant avec leurs bâtons, traquant la moindre entorse au dogme.

 

Beaucoup d’Egyptiens ont ri, soulagés d’apprendre que des clientes d’un salon de coiffure de Benha avaient récemment chassé à coups de savate des salafistes venus inspecter les lieux. N’empêche, chacun sent que désormais, il va falloir compter avec l’influence, légale, des islamistes radicaux. «La société avait perdu ses valeurs morales, commente Islam. Le régime était corrompu, la finance était corrompue, la police était corrompue… Les gens ont soif de pureté.»


Mais un an après le soulèvement, l’Egypte a aussi les poches crevées. Le taux de croissance, qui était à plus de 6%, sera à peine positif cette année. Les touristes ont fui. Les investisseurs étrangers aussi. Les propositions d’aides internationales qui pleuvaient sur le pays au lendemain de la chute de Moubarak sont restées sans réponse, les militaires refusant de s’engager pour ne pas être tenus responsables des dettes de l’Egypte. D’ici l’été, entend-on dire, chez les spécialistes, le pays pourrait être en banqueroute. Sur Internet, depuis un mois, des vidéos tournent, appelant le 25 janvier à une seconde révolution. Elles enchaînent les témoignages, et les images fortes de l’année écoulée. «Nous demandions la dignité, l’accès au logement, à l’emploi, à l’éducation. Nous demandions à vivre en hommes. Rien n’a changé. La révolution n’est pas terminée», dit l’une d’elles. Des dizaines de milliers de personnes, déjà, l’ont fait circuler.

 

Comme il y a un an, la tension monte, diffuse. Imprévisible. Elle est perceptible dans l’armée, qui en quelques semaines, a multiplié les effets d’annonces, accéléré les audiences du procès Moubarak, contre lequel la peine de mort a été requise. Perceptible chez les feloul, les anciens du régime, les supporters du raïs qui eux aussi, manifesteront le 25 pour faire résonner la prophétie d’Hosni Moubarak, qui prédisait un raz-de-marée islamiste et le chaos s’il quittait le pouvoir. Perceptible encore chez ceux - nombreux - qui se terreront chez eux ce jour-là, par crainte d’une situation qui dérape, ou simplement fatigués du trouble permanent. Les marchands de drapeaux, de tee-shirts, de souvenirs aux couleurs révolutionnaires fourbissent déjà, eux, leurs étals. Les activistes font chauffer leurs smartphones. Tahrir se prépare à célébrer son premier anniversaire. Chez Abdel Megid, l’homme aux mâchoires serrées, la pancarte, déjà prête, n’a jamais cessé d’attendre.

 

Crédit photo (édition journal papier): Guillaume Binet (Agence MYOP) et Denis Dailleux (Agence Vu)


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28 décembre 2011 3 28 /12 /décembre /2011 15:01

Editorial | LEMONDE | 28.12.11 | 14h30

En Egypte, le déroulement sans accroc de la seconde phase des élections législatives ne doit pas faire illusion. Le pays vit sur un volcan. Même si la place Tahrir a été rouverte à la circulation, les affrontements entre révolutionnaires et forces de sécurité peuvent recommencer du jour au lendemain.

Lors des derniers épisodes de violences, fin novembre, avant la première phase des élections (42 morts), puis à la mi-décembre, entre les deux tours de la deuxième phase (17 morts), une étincelle avait suffi pour transformer le centre-ville en champ de bataille et paralyser une bonne partie de l'activité économique du Caire. Au moindre abus des forces de l'ordre, les sans-culottes de Tahrir, exaspérés par trois décennies d'arbitraire policier, n'hésiteront pas à redescendre dans la rue.

On peut disserter sans fin sur ce nouvel avatar de la révolution égyptienne. Déplorer que le soulèvement euphorisant des mois de janvier et février ait tendance à se muer en combats de rue autodestructeurs ou en soliloques narcissiques sur Twitter. Critiquer la veine anarchiste, voire nihiliste, de certains manifestants. Ou encore regretter que les partis politiques, libéraux comme islamistes, n'aient pas su porter les revendications de la rue, préférant s'enferrer dans des débats stériles et abscons, comme celui sur la notion d'"Etat civil".

Reste une vérité irréductible. Le Conseil supérieur des forces armées (CSFA), qui gouverne le pays depuis la démission d'Hosni Moubarak, au mois de février, a démontré l'étendue de son incurie. Après la manifestation copte du 9 octobre écrasée, au sens propre du terme, sous les chenilles des blindés, l'assaut du 16 décembre contre le sit-in devant le siège du gouvernement, ponctué par le matraquage infamant d'une manifestante à moitié dévêtue, a ôté aux militaires le peu de crédibilité et de légitimité qui leur restait.

Non contents de reproduire les méthodes honnies de l'ex-police politique, ils ont échoué à stabiliser l'économie et à préparer la transition. A moins de deux semaines de la fin des législatives, nul ne sait quelles seront les prérogatives exactes de l'Assemblée du peuple, où les islamistes devraient disposer d'une confortable majorité. Détiendra-t-elle un droit de regard sur la composition du gouvernement et sur la rédaction de la Constitution ? Sur ces deux sujets cruciaux, les généraux laissent planer la possibilité d'une ingérence perpétuelle de l'armée dans les affaires de la nouvelle Egypte.

Le CSFA doit donc partir, et vite. Son maintien jusqu'à la date théorique de l'élection présidentielle, en juin, fait courir trop de risques au pays du Nil. Le calendrier du transfert du pouvoir aux civils doit être avancé, comme le suggèrent un nombre croissant de personnalités de l'opposition. Certaines d'entre elles proposent d'organiser le scrutin présidentiel le 25 janvier, à la date du premier anniversaire de la révolution.

Aussi longtemps que la superstructure sécuritaire de l'ex-régime Moubarak ne sera pas mise à bas - et l'armée en est un maillon essentiel -, la révolution égyptienne ne sera pas achevée.

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27 décembre 2011 2 27 /12 /décembre /2011 15:33

LEMONDE.FR avec AFP | 27.12.11 | 13h52

 
 

 

Sur la place Tahrir, au Caire, un portrait au pochoir de Mohammed Tantawi, chef du Conseil suprême de l'armée, qui dirige l'Egypte, le 20 juillet 2011.

Sur la place Tahrir, au Caire, un portrait au pochoir de Mohammed Tantawi, chef du Conseil suprême de l'armée, qui dirige l'Egypte, le 20 juillet 2011.REUTERS/AMR ABDALLAH DALSH

La justice égyptienne a donné ordre à la police militaire, mardi 27 décembre, d'arrêter de pratiquer des tests de virginité sur des détenues.

Samira Ibrahim, militante égyptienne, avait porté plainte contre le conseil militaire au pouvoir après avoir, selon ses dires, subi un tel "examen" lors de son arrestation, en mars, sur la place Tahrir, au Caire. Des organisations de défense des droits humains affirment que plusieurs autres cas de tests de virginité ont été signalés dans des prisons militaires.
 

"Le tribunal ordonne l'arrêt des procédures de tests de virginité sur des filles dans les prisons militaires", a déclaré le juge Ali Fekri, président du tribunal du Caire. Des centaines d'activistes ont salué le verdict à l'intérieur du tribunal.

Le 31 mai, Amnesty International avait appelé les autorités égyptiennes à traduire en justice les auteurs de "tests de virginité" forcés infligés par l'armée à des manifestantes arrêtées sur la place Tahrir au début du mois de mars.

"Après que des militaires eurent évacué avec violence les manifestants de cette place le 9 mars, au moins dix-huit femmes ont été placées en détention aux mains de l'armée. Amnesty International a été informée par des manifestantes qu'elles avaient été battues, soumises à des décharges électriques, fouillées au corps tandis que des soldats les photographiaient, puis forcées à subir des 'tests de virginité' et menacées de poursuites pour prostitution", écrit l'organisation dans un communiqué.

CNN avait à l'époque recueilli le témoignage d'une manifestante ayant subi un de ces tests :

 

Egalement interrogée par Amnesty, cette manifestante de 20 ans, Salwa Hosseini, raconte qu'après avoir été arrêtée et conduite dans une prison militaire à Heikstep, elle a été forcée, avec les autres femmes, de retirer tous ses vêtements pour être fouillée par une gardienne de la prison, dans une pièce avec deux portes ouvertes et une fenêtre. Pendant cette fouille au corps, des soldats regardaient dans la pièce et prenaient des photos des femmes nues.

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19 décembre 2011 1 19 /12 /décembre /2011 23:03
| Par Pierre Puchot

C'était il y a deux semaines : la presse internationale se réjouissait du déroulement des élections, titrait à l'envi sur «le test de démocratie réussi», quelques jours seulement après avoir couvert abondamment les affrontements de la place Tahrir au Caire, mais aussi d'Alexandrie et de Suez, où les forces de l'ordre avaient tué plus de quarante manifestants.

Démocratie d'un côté, répression meurtrière de l'autre... L'improbable dichotomie pouvait encore se tenir si l'on entrait dans le jeu des autorités, stigmatisant la méchante police d'un côté (condamnant même un policier coupable de tir à balles réelles sur la foule), poussée à bout par les casseurs et «forces antirévolutionnaires»; et l'armée protectrice de la révolution et du peuple de l'autre.

Ce week-end, après la mort de dix manifestants, le doute n'est pourtant plus permis. Et à voir les agents de la police militaire prêter main forte aux policiers des forces anti-émeutes pour pourchasser et tabasser à mort les manifestants de la place Tahrir, le discours officiel a quelque peu perdu de sa force de persuasion.

Ici, l'une des terribles vidéos de la place Tahrir ce week-end, qui ne laisse guère de place aux doutes sur les intentions des autorités :

 

 

Comment comprendre ce décalage entre d'un côté une impression de démocratie naissante et de l'autre la répression la plus sauvage, et ce en plein centre de la capitale ? Dans le détail, les résultats du scrutin sont fidèles aux prévisions, laissant penser qu'ils reflètent le paysage égyptien de la fin 2011. Les partis musulmans conservateurs et islamistes ont remporté le premier tour des élections législatives en Égypte. Selon les chiffres fournis par la Haute commission électorale, les listes des Frères musulmans, du parti salafiste An-Nour et du parti Wassat ont cumulé 65,25 % des voix pour cette première phase des législatives, organisée dans un tiers des gouvernorats, notamment les deux plus grandes villes, Le Caire et Alexandrie.

Pourtant, la désorganisation du scrutin – absence d'isoloirs, d'observateurs internationaux, confusions favorisées par la mixité d'un scrutin à la fois de liste et uninominal – ne devrait tromper personne : songeons que la Tunisie, aux ressources infiniment moins importantes que l'Egypte, est parvenue en un délai (huit mois) de temps équivalent à organiser un scrutin libre et transparent. Pourquoi la puissante Egypte n'en serait-elle pas capable ? Tout simplement parce que, aux yeux des militaires, ce n'est finalement pas cela qui compte. C'est davantage l'image superficielle d'un scrutin démocratique, porté par une majorité de la population égyptienne, qui intéresse le CSFA, qui a même délégué aux citoyens, dans plusieurs localités (dont Zamalek, au Caire), l'organisation du scrutin. En l'occurrence, une participation de 62% – chiffre qui apparaît somme toute assez faible si l'on se rappelle que les Egyptiens ont l'obligation de se rendre aux urnes, sous peine de subir une amende de 500 livres (pour beaucoup, l'équivalent d'un salaire mensuel).

Dans le même temps, l'utilisation de la police pour réprimer les éléments contestataires a permis de sauver les apparences et de préserver quelque peu l'image du CSFA sur le plan international, comme auprès de la population égyptienne, davantage inquiète de la situation économique que de la répression. «La police est sous l'autorité totale de l'armée», nous confiait fin novembre Mohamed, réalisateur qui consacre son premier long métrage, un documentaire de 90 minutes, à la police égyptienne. Le jeune cinéaste décrit une hiérarchie policière frustrée, soumise à l'armée. Comment imaginer que cette police soumise soit à l'origine du climat de chaos, de cette répression retransmise en direct par les caméras des télévisions internationales, qui menace les efforts d'une armée impuissante face aux dérives des policiers?  

Cette double dichotomie – police contre armée, répression contre processus démocratique – a pourtant fonctionné à plein tout au long de l'année, pour justifier aux yeux des diplomaties internationales, comme de la population, la permanence du Conseil supérieur des forces armées au sommet de l'Etat. Un léger retour en arrière permet de prendre la mesure du travail effectué depuis un an par l'armée pour marquer de son empreinte le prochain régime égyptien

Vers un scénario à l'algérienne?

Depuis le début du mois de février, l'armée égyptienne a fait sienne la thématique du double discours que l'on prête si souvent aux organisations musulmanes. D'un côté, l'armée promet d'être la garante du processus de transition vers la démocratie. De l'autre, elle fait tout pour rester maître le plus longtemps possible des affaires publiques, et négocie depuis des mois avec les représentations des institutions (dont le président de la Haute cour constitutionnelle, un juge réformateur arrivé à ce poste grâce à son ancienneté) et les représentants des partis politiques qui formeront le gouvernement issu des législatives. De là proviennent les gesticulations désordonnées des Frères musulmans, d'abord favorables aux manifestations place Tahrir, appelant ensuite leurs partisans à rester chez eux. 

Pour tous, le message est clair : l'armée souhaite garder un pied en politique, échapper aux lois votées par le futur parlement, et conserver le pouvoir de déclarer ou non la guerre à un autre Etat. Pour le faire passer à la société civile, le Conseil supérieur des forces armées s'est employé, dès le lendemain de la révolution, à mater tout début d'opposition. Ce furent les tortures et «tests de virginité» pratiqués sur les militants de la place Tahrir à partir de la fin février, dénoncés en mars par les ONG de défense des droits de l'homme, quand le monde entier avait reporté son attention sur le conflit libyen. (Lire ici le premier communiqué d'Amnesty international sur ce thème.)

Ce fut ensuite le détournement – au profit d'une déclaration élaborée en son sein et promulgué selon sa volonté – du référendum populaire sur la réforme constitutionnelle, dont l'armée s'est affranchie en partie malgré une large victoire du «oui» en faveur des amendements proposés par le CSFA. Ainsi, après notre série de reportages sur cette Egypte en mutation, nous nous demandions dès le mois de mars si l'armée n'avait pas déjà trahi la révolution...

Avant le départ de l'ancien président Moubarak, l'armée contrôlait entre 15% et 20% de l'économie égyptienne selon les estimations. L'intérêt pour le CSFA de demeurer aux commandes du pays est donc essentiellement économique, pour construire un scénario à l'algérienne avec un président pour la façade, un processus électoral en trompe-l'œil, l'apparence d'une opposition politique et d'une presse libre et, surtout, des lignes rouges incertaines qui maintiennent la société civile constamment sous pression et sujette à l'autocensure. 

Cette stratégie est déjà à l'œuvre : pour «insulte envers l'armée», plusieurs journalistes et blogueurs, dont l'emblématique Alaa Abdel Fattah, ont été condamnés à des peines supérieures à trois années de prison ferme. Ce sont en tout plus de 12.000 prisonniers qui ont été jugés de manière expéditive par les tribunaux militaires depuis la fin février. Perceptible au lendemain de la révolution, la reprise en main de l'armée égyptienne est aujourd'hui une certitude, qui laisse craindre que ne s'installe, comme en Algérie, une parodie de démocratie, où le gouvernement et le parlement ne sont que les caisses d'enregistrement des volontés d'une junte bien décidée à accroître peu à peu son emprise sur le pays.

Retrouvez aussi nos dossiers : «Élections en Egypte», et «Egypte : une révolution invisible»

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18 décembre 2011 7 18 /12 /décembre /2011 17:57

LEMONDE.FR | 18.12.11 | 15h39   •  Mis à jour le 18.12.11 | 17h06

 
 

 

D'un côté, les manifestants envoient des pierres sur les forces de police.

D'un côté, les manifestants envoient des pierres sur les forces de police.AP/Ahmed Ali

Le Caire, correspondance - Deux jours d'émeutes sanglantes entre manifestants et militaires au Caire ont transformé les alentours du siège du gouvernement en champ de bataille dévasté. La portion de la rue Qasr Al Ayni, qui mène de la place Tahrir au Parlement ne désemplit pas, malgré les assauts répétés de l'armée.

Protégés de casques en plastique, de tabourets ou de plaques de métal, les jeunes révolutionnaires y ont affronté une pluie de briques et de pierres, lancées du haut des immeubles voisins par des militaires et des hommes en civil. Stationnées dans les rues adjacentes, des troupes de la police militaire armées de bâtons, de tasers et de pistolets, ont chargé régulièrement les manifestants, les forçant à refluer vers la place Tahrir, faisant 10 morts et plus de 500 blessés, selon le ministère de la santé.

Selon les révolutionnaires, les affrontements ont été déclenchés par l'arrestation et la torture dans la nuit du jeudi 15 au vendredi 16 décembre, d'un jeune supporteur de football participant au sit-in tenu par les manifestants depuis trois semaines devant le cabinet du premier ministre Kamal Al-Ganzouri, pour protester contre le gouvernement nommé par le Conseil militaire.

Les soldats auraient autorisé le jeune homme à venir chercher son ballon égaré à l'intérieur du cabinet. Il en est ressorti en sang, le corps et le visage tuméfiés. La police militaire, qui soutient quant à elle que l'un de ses soldats a été attaqué par les révolutionnaires, a évacué le sit-in par la force à l'aube du vendredi.

ACHARNEMENT

Parmi les manifestants se trouvent beaucoup d'activistes connus, des fils d'hommes politiques célèbres, des députés déjà élus ou des candidats aux élections en cours, soutenus par des supporteurs de football "ultras". Aux premières lignes, garçons et filles défient l'armée à mains nues, paumes levées vers le ciel, ou avec un arsenal de fortune, répliquant à la violence des militaires avec des cocktails Molotov, des feux d'artifice, ou en renvoyant les pierres.

Beaucoup ont un œil bandé, conséquence des combats de la rue Mohammed Mahmoud qui ont fait plus de 40 morts et un millier de blessés entre le 19 et le 24 novembre, et au cours desquels l'armée a visé délibérément les yeux des protestataires. Leur arsenal est de peu de poids face à la brutalité des soldats. Les activistes arrêtés, hommes et femmes, sont battus sans ménagement, souvent jusqu'à l'évanouissement et traînés par les cheveux au milieu des gravats.

 

Une jeune femme arretée et frappée par l'armée égyptienne, samedi 17 décembre.

Une jeune femme arrêtée et frappée par l'armée égyptienne, samedi 17 décembre.REUTERS/STRINGER

Les militaires s'acharnent à plusieurs sur les corps inertes. Les sources médicales font état de tirs à balles réelles, soulignant que les hôpitaux de fortune établis aux alentours, sur la place, dans les églises et les mosquées, ont aussi été pris pour cible.

"FILS DE CHIENS ! ASSASSINS ! DESCENDEZ !"

Cette brutalité indigne les activistes : "Mais qu'est-ce qu'ils veulent ?, s'étrangle Alia Ayman, jeune étudiante de 22 ans, cela fait deux jours qu'ils nous balancent des pierres et qu'ils nous provoquent ! Notre sit-in est pacifique. Nous avons le droit de manifester ! Je ne comprends pas ce qu'ils cherchent".

Entre les manifestants massés au début de la rue Qasr Al Ayni, une femme d'une soixantaine d'années se fraie un chemin jusqu'au mur érigé par l'armée samedi après-midi afin de bloquer l'entrée de la rue. Arrivée aux premières lignes, elle lève un bras vengeur vers les silhouettes qui s'agitent sur les toits : "Fils de chiens ! Assassins ! Descendez !". En guise de réponse, un militaire en treillis défait sa braguette et urine du haut du toit en riant. " Bravo ! bravo ! Très joli !" répond la femme.

Autour d'elle, les doigts d'honneur se lèvent vers le ciel dans un tonnerre de sifflets et de clameurs. "A bas le régime militaire ! La révolution continue". Une pluie de briques et de pierres leur répond, les forçant à s'éparpiller. Seuls quelques riverains s'aventurent dans l'artère enfumée à l'horizon de laquelle on aperçoit un ballet de projectiles qui scintillent à travers le rideau humide d'un canon à eau.

Le scepticisme et la méfiance des habitants du quartier venus en reconnaissance vis-à-vis des manifestants est palpable. Un homme d'environ cinquante ans interpelle un jeune révolutionnaire coiffé d'une queue de cheval : "Tu parles arabe ? Tu es Egyptien ? Désolé mais il paraît qu'il y a des étrangers derrière tout ça. Qu'est-ce que c'est que cette histoire de balle de football ? Tu joues au football à une heure du matin devant le siège du gouvernement toi ?"

Malgré la propagande du gouvernement et de l'armée qui les présentent comme des "voyous", les révolutionnaires continuent à défier les militaires. Ils ont reçu le soutien de plusieurs hommes politiques, dont certain ont démissionné du Conseil consultatif désigné par l'armée pour l'aider à gérer la transition. Le candidat à la présidentielle Ayman Nour a demandé la démission immédiate du CSFA. Les Frères Musulmans ont condamné la violence contre les manifestants et réclamé une enquête, tout en soulignant l'importance de continuer le processus électoral.

"VOTEZ POUR PERSONNE"

 

De l'autre, les policiers ripostent de la même façon.

De l'autre, les policiers ripostent de la même façon.AP/Ahmed Ali

Les manifestants font face à l'hostilité de l'écrasante majorité de la population et des médias. Selon un sondage réalisé au début du mois de décembre par l'Institut d'études stratégiques Al-Ahram dans neuf circonscriptions égyptiennes, 88 % des sondés estiment que le conseil militaire assure "les conditions adéquates à une transition démocratique".

"Mais qui sont ces casseurs ?", s'exclamait par exemple Hona Al-Asema, célèbre speakerine de la chaîne privée CBC à une heure de grande écoute, en s'indignant contre l'incendie qui a ravagé la bibliothèque de l'Institut d'Egypte, dont les révolutionnaires ont pourtant tenté de sauver les ouvrages.

Alors que les élections législatives se déroulent dans un climat relativement calme, ces affrontements sont révélateurs de la déception des jeunes révolutionnaires vis-à-vis du processus électoral en cours. Si les émeutes n'ont pour l'instant pas donné lieu à des revendications politiques, se présentant plutôt comme une manifestation de colère spontanée contre l'armée, beaucoup d'activistes estiment que le Conseil militaire doit abandonner immédiatement toute prérogative politique et que les élections ne déboucheront pas sur l'élection d'un parlement aux couleurs de la révolution.

Rue Mohammed Mahmoud, théâtre de la précédente bataille entre les jeunes et la police, des graffitis rageurs ont recouvert les murs : "Votez pour Personne : Personne tiendra ses promesses électorales, Personne écoutera vos problèmes, Personne dit la vérité, Tout le monde s'en fiche… "

Claire Talon

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17 décembre 2011 6 17 /12 /décembre /2011 21:27

LEMONDE.FR avec AFP | 17.12.11 | 10h15   •  Mis à jour le 17.12.11 | 19h55

 
 

 

Les tentes de la place Tahrir brûlent, samedi 17 décembre.

Les tentes de la place Tahrir brûlent, samedi 17 décembre.REUTERS/STRINGER

Les affrontements qui ont eu lieu au Caire, vendredi 16 et samedi 17 décembre, entre forces de l'ordre égyptiennes et manifestants anti-armée ont cessé mais l'atmosphère est encore électrique dans le centre de la capitale égyptienne après les plus importants heurts depuis le mois de novembre. Un dernier bilan fait état de neuf morts et plus de 300 blessés, dont près de 120 encore hospitalisés, depuis vendredi.

L'armée égyptienne n'a pas fait preuve de retenue en voulant déloger les manifestants qui occupaient la place Tahrir.  D'importants effectifs de soldats et de policiers ont barré les accès à ce secteur, en déployant notamment des barbelés, à quelques centaines de mètres de la place. Les militaires ont arrêté des protestataires et les ont frappés, parfois violemment, alors qu'ils étaient immobilisés ou à terre, a constaté un journaliste de Reuters.

L'agence rapporte également cette scène filmée :  un soldat dégainant un pistoler et ouvrant le feu sur des manifestants battant retraite devant l'armée. Des images de la télévision égyptienne montent plusieurs tentes sur la place Tahrir incendiées par les militaires après en avoir extrait leurs occupants. Les manifestants dénoncaient notamment la nomination par l'armée d'un premier ministre, Kamal El-Ganzouri, qui fut déjà chef du gouvernement sous le président déchu Hosni Moubarak.

"CE NE SONT PAS LES JEUNES DE LA RÉVOLUTION"

M. Ganzouri a accusé les manifestants de mener une "contre-révolution". "Ceux qui sont à Tahrir ne sont pas les jeunes de la révolution", a-t-il lancé. Il assure en outre que l'armée égyptienne "n'a pas tiré". "Je répète que nous ne répondrons pas à des manifestations politiques par des violences, même verbales", a ajouté le premier ministre intérimaire, âgé de 78 ans.

 

Une jeune femme arretée et frappée par l'armée égyptienne, samedi 17 décembre.

Une jeune femme arrêtée et frappée par l'armée égyptienne, samedi 17 décembre.REUTERS/STRINGER

Samedi, les médias d'Etat proposaient plusieurs versions différentes sur l'origine de cette nouvelle flambée de violences. L'une d'elle stipule qu'un homme voulant récupérer un ballon de football malencontreusement tiré dans l'enceinte de l'assemblée a été pris à partie par des policiers et passé à tabac. Une autre version fait état de violences provoquées par la volonté d'un homme d'installer un campement dans cette enceinte.

Dans une déclaration lue à la télévision, le Conseil suprême des forces armées (CSFA) a démenti que les soldats aient ouvert le feu sur les manifestants. Il a affirmé que les incidents avaient commencé lorsque l'un des agents de sécurité postés devant le Parlement avait été attaqué. De source militaire, on précise que 32 gardes du Parlement ont été blessés après avoir tenté de refouler les manifestants qui cherchaient à pénétrer dans l'édifice.

Responsables des formations islamistes et libérales ont critiqué le comportement de l'armée. Les Frères musulmans, arrivés en tête lors de la première phase des élections, ont déclaré que les généraux devaient "présenter des excuses rapides et claires pour les crimes qui viennent d'être commis". A Paris, le porte-parole du Quai d'Orsay a, dans un communiqué dénoncé "l'usage excessif de la force contre les manifestants".

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16 décembre 2011 5 16 /12 /décembre /2011 14:01

LEMONDE.FR avec AFP | 16.12.11 | 10h56

 
 

Des incidents ont éclaté, vendredi 16 décembre à l'aube, au Caire entre des manifestants égyptiens et la police militaire. Des voitures ont été incendiées et des pierres, lancées sur les rangs des forces de sécurité, ont rapporté des témoins. La police a tiré des coups de feu en l'air pour disperser les manifestants.

Quelque trois centspersonnes s'étaient rassemblées après la diffusion sur Internet d'images présentées comme celles d'un activiste arrêté et passé à tabac. "La rumeur court qu'ils l'ont sévèrement battu et qu'il a été hospitalisé", a dit un médecin s'occupant sur place de manifestants blessés. Aucun commentaire n'a pu être obtenu auprès des responsables de la sécurité. Mais, de source proche des services de sécurité, on fait état de plusieurs personnes blessées lors de ces incidents.

L'activiste au centre de cette rumeur, Abboudi Ibrahim, a été arrêté alors qu'il quittait un sit-in organisé devant le siège du gouvernement, dans le centre du Caire. Une vidéo qui circule sur Facebook montre un jeune homme, identifié comme étant Abboudi Ibrahim, le visage portant les traces de coups violents.

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