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23 juin 2014 1 23 /06 /juin /2014 20:57

 

Source : www.bastamag.net

 

 

 

Lois rétrogrades

Face à la corruption du pouvoir politique, des juges espagnols entrent en dissidence

par Nathalie Pédestarres 23 juin 2014

 

 

 

 

 

Conflits d’intérêts et collusions menacent l’indépendance de la justice, estiment des magistrats espagnols. Certains d’entre eux, qui s’intéressent de trop près à des affaires sensibles, se retrouvent victimes d’acharnement judiciaire ou sont écartés de leurs fonctions par le pouvoir politique. Une situation que dénoncent des avocats et juges. Solidaires des mouvements sociaux, ils participent également à la résistance contre des lois nationales jugées de plus en plus rétrogrades.

« Les hommes politiques maltraitent ceux qui, un jour, pourraient avoir à enquêter sur eux. » Le juge espagnol Elpidio Silva est amer. L’année dernière, il a tenté de placer en détention Miguel Blesa, l’ancien PDG de la banque Bankia, impliquée dans la vente frauduleuse de produits financiers toxiques (appelés preferentes) à des milliers d’épargnants en 2009 (lire ici). Le juge risque aujourd’hui d’être radié de l’administration judiciaire pendant 30 ans ! Il a d’abord été accusé de prévarication – suspecté d’avoir laissé filtrer à la presse des courriers électroniques de Miguel Blesa dans lesquels celui-ci confiait à ses collaborateurs avoir « trompé les clients » –, puis de « maltraitance psychologique à un témoin protégé ». Le verdict tombera le 7 juillet prochain.

L’affaire Blesa a révélé des collusions entre les pouvoirs bancaire, politique et même judiciaire. L’ensemble du Conseil d’administration de Bankia avait été mis en examen en 2012, avant d’être relaxé. Au sein de ce conseil siègent des hauts fonctionnaires, des membres du Parti populaire, la droite espagnole, ainsi qu’une poignée d’administrateurs venus de la gauche – du Parti socialiste espagnol, de la Gauche unie, et deux représentants du syndicat CCOO. Et un membre influent du Parti populaire, Rodrigo Rato, ancien ministre de l’Économie sous la présidence de José María Aznar, successeur du PDG Miguel Blesa avant la nationalisation de la banque.

Pour le magistrat, il n’y a aucun doute : l’acharnement judiciaire dont il fait l’objet vise à servir d’exemple à destination de ses collègues qui seraient tentés de s’intéresser de trop près à certaines affaires. « En Espagne à l’heure actuelle, c’est la peur qui fait la loi », accuse-t-il. La Cour supérieure de justice de Madrid a dû insister en mars auprès de la juge María Tardón pour qu’elle s’écarte de l’enquête concernant le juge Silva. Car elle cumule les fonctions de conseillère du Parti populaire et de membre de l’Assemblée générale de... Bankia ! Vous avez dit conflit d’intérêt ?

Des magistrats au service des mouvements sociaux

Depuis la Constitution de 1978, négociée au sortir de la dictature franquiste, les membres du Tribunal suprême – la plus haute instance pénale – sont nommés par le Conseil général du pouvoir judiciaire, lui-même élu par le Parlement. Pour renforcer cette dépendance, l’actuel ministre de la Justice, Alberto Ruiz-Gallardón, vient de faire passer une nouvelle loi pour réorganiser la Justice. Une réforme plutôt mal reçue par les magistrats et les avocats, car elle renforce l’immunité parlementaire, mettant à l’abri les députés, dénonce l’avocat Jesús Gimenez Gallo. Il fait partie de cette génération de juristes espagnols progressistes, ouvertement critiques vis-à-vis de l’exécutif et s’engageant pour la défense des citoyens.

Avec l’imposition de mesures d’austérité par la « Troïka » (Banque centrale européenne, Commission européenne, Fonds monétaire international), de nombreux avocats et juges se sont montrés solidaires des mouvements de défense des droits sociaux. Le juge barcelonais José María Fernández Seijo, membre de l’association Juges pour la démocratie (Jueces para la Democracia), a par exemple saisi la Cour européenne des Droits de l’Homme pour démontrer que la législation espagnole en matière de crédits hypothécaires ne protège pas les consommateurs des clauses abusives des banques. Une lacune réglementaire qui a causé un demi million de saisies immobilières.

Résistance face à des lois de plus en plus rétrogrades

Ces magistrats ont aussi obligé des entreprises à réincorporer des milliers d’employés licenciés de façon injustifiée, les patrons se croyant exonérés de leurs obligations grâce à la réforme de la loi du marché du travail, qui flexibilise les licenciements. Le FMI, qui a inspiré la réforme, a même critiqué la justice espagnole pour son « interprétation restrictive » des procédures de licenciement ! « Les personnes ne peuvent pas être traitées comme des marchandises soumises exclusivement aux lois du marché et leur dignité suppose que l’on protège leurs droits fondamentaux », a rétorqué l’association Juges pour la démocratie. Mais ce n’est que le début de la bataille : les nouveaux projets de loi concoctés par le ministre de la Justice présentent un caractère si rétrograde que même le Conseil général du pouvoir judiciaire s’en est inquiété.

Ainsi la réforme de la loi sur l’avortement prévoit de revenir aux années 1960 : l’interruption de grossesse ne sera reconnue légale qu’en cas de viol ou de danger pour la vie ou la santé physique et morale de la femme. Autre « réforme » : le durcissement des « lois de sécurité citoyenne », rebaptisées « lois muselières » ou « lois anti-manifs » par ceux qui s’y opposent. Elles autorisent tout un arsenal de pratiques répressives « préventives » (amendes exorbitantes, fouilles corporelles, identifications et détentions arbitraires, dissolutions de réunions estimées dangereuses). Une restriction de la liberté d’expression et de manifestation au prétexte de garantir la sécurité publique. Mais les critiques de la société civile et des magistrats sont telles que le gouvernement a été obligé de freiner.

Même le droit international est menacé

Même la « compétence universelle » de l’Espagne en matière de droit international est menacée [1]. Le pays est pourtant pionnier dans ce domaine. Souvenez-vous : le 16 octobre 1998, l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet est arrêté à Londres alors qu’il vient s’y faire opérer. C’est le « super-juge » espagnol Baltasar Garzón qui avait lancé un mandat d’arrêt au nom de victimes espagnoles de la dictature. Pinochet ne sera jamais extradé vers l’Espagne mais sera cependant retenu près d’un an et demi à Londres avant de pouvoir rentrer au Chili pour raison médicale. Rendre justice au nom du principe de compétence universelle sera-t-il encore possible en Espagne ?

En mars dernier, le gouvernement de Mariano Rajoy réforme la loi pour en limiter la juridiction. Et ce, sous la pression des autorités chinoises ! Le 19 novembre 2013, l’Audience nationale, la plus haute juridiction pénale, avait émis un mandat d’arrêt contre plusieurs dirigeants chinois, dont l’ancien Président Jiang Zemin, pour leur responsabilité politique ou militaire dans le génocide et crimes contre l’humanité pratiqués dans les régions tibétaines de la Chine. D’autres affaires de ce type pourraient bien être classées sans suite. A l’exemple de l’enquête sur l’assassinat du cameraman espagnol José Couso par des militaires américains à Bagdad en 2003, l’un des dossiers les plus médiatisés de la « compétence universelle ».

Pas touche à mes pots-de-vin

Là encore, la réforme conservatrice a suscité de nombreuses protestations. En particulier à l’occasion du premier Congrès mondial de la compétence universelle, organisé par la Fondation du juge Baltasar Garzón, une semaine avant les élections européennes. Le procureur états-unien Benjamin Ferencz, l’avocate iranienne Shirin Ebadi ou Raúl Zaffaroni de la Cour suprême argentine ont critiqué publiquement la décision du ministre de la Justice. Des positions qui ont probablement pesé. Le 6 juin, l’Audience nationale permet au juge Santiago Pedraz de poursuivre son instruction sur l’assassinat de José Couso en Irak. Un sacré pied de nez au gouvernement de Mariano Rajoy.

Baltasar Garzón a été suspendu de la magistrature pour avoir recouru à des écoutes téléphoniques – jugées illégales – entre les suspects et leurs avocats dans « l’affaire Gürtel », un réseau de versements de pots-de-vin à des dirigeants politiques du Parti populaire par des chefs d’entreprise dans le but d’obtenir des contrats exclusifs [2]. La droite espagnole ne lui a pas non plus pardonné de rouvrir en 2008 le dossier tabou des crimes commis pendant la dictature franquiste, mis sous le tapis grâce à une loi d’amnistie qui n’a jamais été remise en cause depuis 1977 (lire ici).

L’ombre de Franco

« Le grand problème du système judiciaire espagnol, c’est qu’il n’a pas été « assaini » et débarrassé de certains postes issus du franquisme, ce qui perpétue encore aujourd’hui l’impunité », assène María Garzón, la fille aînée du juge, scandalisée par l’ostracisme dont est victime son père. « Il y a trois mécanismes qui se déclenchent dès lors qu’on touche au pouvoir en Espagne : le parti au pouvoir lui-même, les médias au service de la droite espagnole et le pouvoir judiciaire espagnol, en particulier le Tribunal suprême, un organe hérité du franquisme dont les membres sont élus par l’exécutif. Et si un juge comme mon père contredit la « morale » de ce Tribunal, s’en est fini de sa carrière. »

Pour María Garzón, le courage de son père a « fait jurisprudence » chez d’autres magistrats : « La résistance des juges espagnols a cela de positif qu’elle met en évidence la nécessité de doter le pouvoir judiciaire d’une véritable indépendance. Le gouvernement ne peut pas continuer à destituer des juges parce que leur quête de la vérité dérange. Ce serait revenir à un état dictatorial ! La société ne va jamais le permettre ». Ces magistrats bénéficient en effet du soutien accru de la société civile, en particulier des mouvements sociaux issus du 15-M et des partis de gauche minoritaires. Ils ont leurs « fans club » sur les réseaux sociaux et dans la rue. Baltasar Garzón et sa Fondation Fibgar pour les droits humains et la justice universelle mènent campagne pour que soit créée en Espagne une commission de la vérité sur les crimes commis pendant la dictature franquiste. José Elías Esteve, l’avocat de la partie civile dans le dossier du Tibet contre la Chine, est confiant : « Vu la situation dans laquelle se trouve l’Espagne, le mécontentement des gens ne va pas diminuer, au contraire ! Cela ne peut mener qu’à un changement profond, un système meilleur. De toute façon, il serait difficile de faire pire. »

Nathalie Pédestarres

Photo : CC Fotomovimiento (manifestation des indignés espagnols à Barcelone le 27 mai 2011)

 

Notes

[1La compétence universelle en matière de droit international permet à un État de poursuivre les auteurs de certains crimes (génocide, terreur, torture, crimes de guerre...), quel que soit le lieu où le crime a été commis, et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes. Elle est incluse dans la législation espagnole depuis 1985.

[2Pour obtenir des preuves, le juge Garzón a recours à des écoutes téléphoniques qui seront jugées illégales par le Tribunal Suprême espagnol qui démet Baltasar Garzón de ses fonctions en 2012 pour une durée de 11 ans.


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Source : www.bastamag.net

 

 

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22 juin 2014 7 22 /06 /juin /2014 21:35

 

 

 

Source : communismeouvrier.wordpress.com

 

 

20.000 manifestants à Séville pour "du pain, un travail et un toit"

20.000 personnes environ ont manifesté ce samedi 21 juin dans les rues de Séville (Andalousie) pour "du pain, un travail et un toit pour toutes et tous" et contre les politiques d’austérité. Appelée par un collectif d’organisations sociales, politiques et syndicales (comme le SAT ou la CGT), la manifestation a pu entouré le parlement andalou. Les manifestants étaient venus de toutes les villes d’Andalousie pour cette grande manifestation.

Conséquence de la crise du capitalisme, plusieurs centaines de milliers de familles ont perdu leurs maisons ces dernières années en Andalousie, le chômage explose et de nombreux jeunes sont obligés d’émigrer comme l’ont fait leurs grands-parents, et on compte plus de 300.000 personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté.

 

Une pétition a été remise aux parlementaires andalous, revendiquant entre autres :

1. Contre la précarité et le chômage, le partage du travail sans réduction de salaire, l’égalité de salaires entre les femmes et les hommes.

2. Arrêt des coupes budgétaires dans la protection sociale, la santé, l’éducation et les autres services publics fondamentaux.

3. Arrêt de la privatisation des services publics.

4. Contre la corruption, transparence dans les comptes des institutions gouvernementales, financières, économiques et judiciaires.

5. Audit de la dette illégitime.

6. Contre la répression, amnistie des militants syndicaux et de mouvements sociaux condamnés ces dernières années.

 

 

Source : communismeouvrier.wordpress.com

 


 

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20 juin 2014 5 20 /06 /juin /2014 17:05

 

Source : www.bastamag.net

 

 

Couronnement de Felipe VI : les manifestations républicaines interdites

par Nathalie Pédestarres 20 juin 2014

 

 

 

Interdiction d’afficher ses convictions républicaines le jour du couronnement du nouveau roi d’Espagne Felipe VI. C’est la décision que le gouvernement espagnol a pris à la hâte, préoccupé par le mécontentement croissant d’une partie de la population qui réclame un référendum populaire sur la poursuite ou non de la monarchie parlementaire depuis l’abdication de Juan Carlos I, le 2 juin dernier. Entachée de scandales – les coûteux safaris pour chasser les éléphants du roi en Afrique, les présomptions de détournements de fonds publics par le gendre du roi, l’ancien joueur de handball Iñaki Urdangarin, avec la complicité de son épouse, l’infante Cristina –, la famille royale espagnole cristallise le ras-le-bol d’une partie des Espagnols envers une classe dirigeante et des institutions jugées au mieux inefficaces au pire corrompues.

Le gouvernement a donc interdit une manifestation convoquée par divers collectifs anti-monarchiques à Madrid le 19 juin. Et a poussé le zèle jusqu’à prohiber l’exhibition de symboles républicains à proximité de la parade royale. Un affichage considéré comme un « risque potentiel » par le Tribunal supérieur de justice de Madrid. Excédées, des milliers de personnes ont alors décidé de braver l’interdiction et se sont réunies sur la Puerta del Sol, la place centrale de Madrid, pour manifester leur refus de la monarchie. La réponse de la police ne s’est pas faite attendre. Bilan : des dizaines de contrôles d’identité, des échanges de coups avec les manifestants et l’arrestation de trois personnes – relâchées depuis – dont Jorge Verstrynge, une personnalité proche du mouvement de gauche Podemos.

Democracia Real Ya !

Une partie des partisans du retour à la République n’a pas digéré qu’un nouveau monarque soit imposé sans référendum préalable, comme le prévoit la Constitution [1]. Le royal passage de relais s’est opéré visiblement à la hâte, avec une cérémonie plutôt simple et sans faste tapageur, à laquelle n’ont pas assisté de chefs d’État étrangers. Les deux principaux groupes parlementaires, ceux du PP (droite) et du PSOE (sociaux-démocrates), ont signé , à huis clos, avec la Maison Royale, la loi qui permet à Felipe VI de succéder à son père. Un député socialiste basque, qui s’est abstenu lors du vote, s’est vu imposer une amende de 400 euros par la direction de son parti. Certains groupes parlementaires minoritaires – Izquierda Unida, les écologistes et la gauche catalane – ont également réclamé un référendum populaire après l’annonce de l’abdication de Juan Carlos I. En vain.

Une cinquantaine de collectifs ont alors organisé leur propre référendum populaire, Referendum Real Ya. En 10 jours, ils ont créé une plateforme de vote sécurisé en ligne et ont installé des « bureaux de vote » ambulants. A la question d’élire le chef de l’Etat au suffrage universel et de lancer une réforme constitutionnelle, plus de 80 000 votants ont répondu oui, presque à l’unanimité. Le vote a bien sûr davantage valeur de symbole que de sondage. « Nous voulions réveiller la conscience des citoyens en leur montrant que nous vivons dans une fausse démocratie en Espagne », précise Enrique Martín, activiste du mouvement Democracia Real Ya ! (Démocratie réelle immédiate) qui a participé à l’organisation de ce symbolique référendum. « Nous continuerons à organiser des actions comme celle-ci, pour exiger que l’on consulte systématiquement les citoyens avant de prendre des décisions importantes qui les concernent. »

 

Notes

[1L’article 92 de la Constitution prévoit une consultation populaire pour toutes les décisions de grande envergure.


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Source : www.bastamag.net

 

 

 

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20 juin 2014 5 20 /06 /juin /2014 16:01

 

Source : www.mediapart.fr

 

Pablo Iglesias (Podemos): « Nous ne voulons pas être une colonie allemande»

|  Par Ludovic Lamant

 

 

 

Le fondateur de Podemos, collectif issu des mouvements sociaux en ébullition en Espagne, fait son entrée au parlement européen. Dans un entretien à Mediapart, cet universitaire médiatique fixe les priorités de son mandat, revient sur la « crise de régime » qui secoue son pays au moment de l'entrée en scène du roi Felipe, et observe les errements de la gauche française.

Pablo Iglesias incarne à lui seul certaines des mutations de la gauche espagnole. Ce professeur de sciences politiques, né en 1978 à Vallecas, dans la banlieue sud de Madrid, a fondé début 2014 Podemos (« nous pouvons »), un collectif né dans le sillage des mobilisations « indignées ». À peine quatre mois plus tard, ce mouvement rassemblait 1,2 million de voix aux élections européennes de mai et décrochait cinq sièges d'eurodéputés. Vedette des réseaux sociaux, connu pour des émissions télé de débat politique (dont La Tuerka), Iglesias veut faire de Podemos une alternative aux partis de gauche traditionnels, à commencer par les socialistes du PSOE. Entretien.

 

Pablo Iglesias le 30 mai à Madrid, après le succès électoral de Podemos aux européennes. © Reuters. 
Pablo Iglesias le 30 mai à Madrid, après le succès électoral de Podemos aux européennes. © Reuters.

Podemos veut faire de la politique autrement, contre les partis traditionnels. Comment rester différents entre les murs du parlement européen ?

C'est vrai qu'il y a beaucoup d'éléments de politique traditionnelle au parlement européen, dans lesquels on ne se reconnaît pas. Et c'est un parlement qui dispose de peu de compétences – même si elles sont de plus en plus importantes. Mais il nous semble décisif de faire de l'espace européen un espace d'intervention, pour dire, en tant qu'élus venus d'Espagne, un certain nombre de choses.

Nous ne voulons pas être une colonie de l'Allemagne. Nous ne voulons pas être une colonie de la Troïka. Nous n'assumons pas un modèle institutionnel européen mis au service des pouvoirs financiers et des banques. Le parlement européen constitue pour nous une magnifique occasion pour construire des alliances avec d'autres Européens, notamment du Sud, pour imaginer quelles autres formes de gouvernement sont possibles en Europe. 

Quelle sera votre priorité durant le mandat ? 

Nous voulons redimensionner certains débats européens, qui sont absolument décisifs pour les populations, en particulier dans le sud de l'Europe. Nous assistons à la création d'une Europe avec un centre riche au nord et une périphérie au sud, qui fournit une main-d'œuvre bon marché, avec des structures politiques coloniales. À l'arrivée, nos pouvoirs politiques sont à genoux face aux pouvoirs financiers.

À quels débats pensez-vous ?

Nous voulons discuter du traité de libre-échange avec les États-Unis, de l'indépendance de la Banque centrale européenne (BCE) et de la politique monétaire, de la manière dont la BCE ne protège pas la dette des États, pour mieux la livrer aux marchés financiers.

Podemos compte cinq élus. Comment faire pour lutter contre cette « Europe allemande » que vous dénoncez, depuis les marges du parlement ? 

Depuis le traité de Maastricht, c'est toute la structure de l'Union qui s'est mise au service de l'Allemagne. Notre stratégie sera d'essayer, au moins, d'ouvrir le débat. Parce que l'une des techniques des gouvernements – en Espagne en tout cas –, c'est de l'étouffer.

Dès que l'on en arrive à un certain stade des discussions, on nous explique que ce n'est plus de notre ressort, que c'est imposé par l'Europe, etc. Il devient très difficile de situer les véritables lieux du pouvoir. Mais si le FMI veut gouverner en Espagne, qu'il se présente d'abord aux élections en Espagne. Si Angela Merkel veut gouverner en Espagne, idem.

Soutenez-vous le conservateur luxembourgeois Jean-Claude Juncker, pour la présidence de la commission européenne ?

Je voterai contre, si le conseil européen soumet sa candidature au parlement. Martin Schulz (socialiste allemand, candidat des socialistes européens, ndlr) et Jean-Claude Juncker sont les deux faces d'une même monnaie. De fait, leurs familles gouvernent ensemble en Allemagne. Je rappelle que l'attitude de Juncker, au plus dur de la crise grecque, fut terrible : il a personnifié ce colonialisme européen que nous dénonçons (il présidait à l'époque l'Eurogroupe, ndlr). Nous avons soutenu pendant la campagne Alexis Tsipras (le candidat du parti de la gauche européenne, et patron du parti grec Syriza, ndlr), parce que nous y avons vu la promesse de ne pas nous satisfaire d'un rôle de subalterne, depuis les pays du Sud.

Mais êtes-vous d'accord pour dire que Juncker est un candidat légitime, vu le résultat des élections, remportées par la droite en Europe ? 

C'est une question qui divise au sein de la GUE (gauche unitaire européenne, le groupe du parlement auquel appartient Podemos, ndlr). On peut penser qu'avoir accepté de présenter un candidat à la présidence de la commission, en l'occurrence Alexis Tsipras, pour les élections, implique de reconnaître la légitimité du vainqueur des élections par la suite. Pour moi, c'est avant tout une question méthodologique, pas une différence sur le fond : on peut être contre Juncker, contre Merkel, contre Rajoy en Espagne, et accepter qu'il existe des processus électoraux qui permettent à ces personnes de gouverner.

« L'Espagne vit une crise de régime »

Quelle est la différence entre Podemos et les écolo-communistes d'Izquierda Unida (IU) ? Tous deux appartiennent désormais au même groupe au parlement européen (la GUE, à laquelle appartient également le Front de gauche)…

Ce qui nous différencie, ce n'est pas tant le programme. Nous voulons un audit de la dette, la défense de la souveraineté, la défense des droits sociaux pendant la crise, un contrôle démocratique de l'instrument monétaire… Ce qui nous différencie, c'est le protagonisme populaire et citoyen. Nous ne sommes pas un parti politique, même si nous avons dû nous enregistrer comme parti, pour des raisons légales, en amont des élections. Nous parions sur le fait que les gens "normaux" fassent de la politique. Et ce n'est pas une affirmation gratuite : il suffit de regarder le profil de nos eurodéputés pour s'en rendre compte (parmi les cinq élus, on trouve une professeur de secondaire, un scientifique, etc., ndlr).

L'Espagne vit une période très particulière : abdication de Juan Carlos, mort d'Adolfo Suarez, qui fut l'un des piliers de la « transition », effondrement dans les urnes des deux grands partis politiques traditionnels, le parti populaire (PP) et le parti socialiste (PSOE) sur fond de crise économique et sociale… Qu'en pensez-vous ?

C'est une crise de régime. La crise économique a provoqué une crise politique, qui a débouché sur une crise de régime. À présent, le régime né en 1978 se trouve dans une situation de décadence avancée. Les partis politiques qui se sont construits pendant la période discutable de la « transition », qui fonctionnent par dynasties, n'ont cessé d'alterner au pouvoir.

La monarchie, qui s'est construite comme le rempart contre un coup d’État des militaires, finit par être associée à la corruption et à l'impunité. Sans parler d'organisations syndicales et patronales, qui ont conclu accords et compromis, pour valider les grands axes d'une politique d'austérité. Aujourd'hui, une partie de ce régime commence à s'effriter. Nous, en à peine quatre mois d'existence, avons récolté 1,2 million de voix aux élections…

La monarchie espagnole est aux abois ?

On a vu le parti populaire (droite, au pouvoir, ndlr) et les socialistes du PSOE négocier ces derniers jours le processus d'abdication du roi, au profit de son fils. Cela s'est fait sans aucune consultation des citoyens, à toute vitesse, en forçant une majorité parlementaire – avec une discipline de vote très stricte, y compris côté socialistes. Et tout cela a été annoncé juste avant le début de la coupe du monde de football, pour terminer en un acte de proclamation sans présence de chefs d’État et de gouvernement d'autres pays… C'est la preuve qu'ils sont morts de trouille. Ils ont voulu le faire par la petite porte, dans l'empressement. Ils se rendent compte qu'ils sont en train de perdre, petit à petit, le pouvoir.

Des reconfigurations de la gauche sont à l'œuvre en Espagne, sous l'effet de la crise. Quel regard portez-vous sur la situation française, où la gauche semble plus que jamais mal en point ?

L'axe fondamental pour appréhender la situation politique n'est plus l'axe gauche-droite. Je suis de gauche, mais l'échiquier politique a changé. Le déclic en Espagne a été le mouvement du « 15-M » (en référence au 15 mai 2011, date du surgissement des « Indignés », ndlr). L'alternative se définit désormais entre la démocratie et l'oligarchie, entre ceux d'en haut et ceux d'en bas, entre une caste de privilégiés qui a accès aux ressources du pouvoir et une majorité sociale. L'enjeu, pour nous, c'est de convertir cette majorité sociale en majorité politique et électorale.

Nous voulons dire des choses simples : on est contre la corruption, contre l'absence d'un vrai contrôle démocratique sur l'économie, pour que les riches paient des impôts. On pense qu'il est possible de construire une majorité sur ces sujets, pour changer les règles du jeu. C'est ce qu'il se passe depuis 15 ans en Amérique latine : la contestation du libéralisme ne s'est pas tant faite sur une base idéologique que sur des thématiques nationales-populaires. Ce schéma peut aussi fonctionner en Europe. Le pouvoir n'a pas peur de l'unité des gauches, mais de l'unité populaire.

Et vous l'imaginez en France aussi ?

Cela se passe en France ! Mais le problème, c'est que c'est l'extrême droite qui occupe ce terrain. Le succès électoral de Marine Le Pen ne veut pas dire que la France déborde de fascistes. Madame Le Pen, d'extrême droite, s'est montrée suffisamment habile pour contester à d'autres acteurs politiques ce terrain qui, à l'origine, ne lui appartient pas. En Italie, cet espace a été occupé par Beppe Grillo (le fondateur du Mouvement cinq étoiles, M5S, ndlr) – qui n'est pas non plus un de nos alliés. En Grèce, c'est Syriza. À nos yeux, si la gauche n'assume pas une option populaire, elle ne gagnera pas.

 

Lire aussi

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 


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5 juin 2014 4 05 /06 /juin /2014 17:34

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Témoignage 05/06/2014 à 18h16
Il s’est passé quelque chose d’important la semaine dernière à Barcelone

Lucie, étudiante

 

 


Un manifestant près d’une poubelle en flammes, à Barcelone le 29 mai 2014 (Manu Fernandez/AP/SIPA)

 

La semaine dernière, le maire de Barcelone a décidé d’entamer la destruction d’un squat dans le quartier de Sants, au centre de la capitale catalane.

Ce squat, Can Vies, est implanté dans un bâtiment du XIXe siècle
qui appartient aux TMB, l’entreprise de transports publics de la ville.
C’est un lieu qui porte une forte histoire sociale, puisqu’il a été
pendant plusieurs dizaines d’années le refuge syndical des travailleurs de la TMB. Au début des années 90, après un incendie, le bâtiment a été laissé à l’abandon.

Making of
Etudiante en histoire de l’art, Lucie est en Erasmus à Barcelone depuis l’été dernier. Pendant quelques jours, la semaine dernière, le climat de la ville s’est tendu, après la décision de la mairie de fermer, à la suite de plusieurs autres, un lieu autogéré. Lucie décrit « une atmosphère de guerre, de peur, déclenchée par les sirènes, l’hélicoptère et des dizaines de cars des forces de l’ordre ». Elle nous raconte ce qu’elle a observé. Mathieu Deslandes

C’est en 1997 qu’un collectif décide de s’y installer et de le réhabiliter. Dix-sept ans plus tard, le centre social Can Vies est parfaitement intégré à la vie de son quartier et n’a jamais souffert de plaintes des riverains.

Il propose entre autres des ateliers de formation, de musique, de théâtre, des cours de langues, et organise des concerts et des projections de films. Lieu de débats, il héberge aussi les locaux d’associations et d’un journal indépendant.

Voilà plusieurs années que la mairie souhaitait la démolition de ce lieu
pour réaménager l’espace urbain. Après des négociations avec les
occupants qui n’ont pas abouties, le maire de Barcelone a décidé
d’agir par la force le lundi 26 mai, en expulsant les personnes qui
vivaient et travaillaient dans le centre. La destruction du bâtiment a
commencé directement après.

Gare à la matraque des Mossos

Cette destruction a tout de suite provoqué la colère des occupants et des habitants du quartier. Ils sont venus soutenir le centre, rejoints par des centaines, puis des milliers d’autres habitants de Barcelone. Et, le soir venu, ont organisé des « caceroladas » (rassemblements pacifiques au cours desquels les participants cognent des casseroles pour faire du bruit) sur la Plaza de Sants.

En retour, la mairie a ordonné un déploiement policier exceptionnel. Gare à celui qui n’aura pas couru assez vite pour fuir le rassemblement quand les « Mossos » (forces de l’ordre) arrivent.

Une femme d’une cinquantaine d’années raconte s’être fait matraquer alors qu’elle quittait la manifestation en marchant. Deux jeunes qui s’éloignaient aussi disent être entrés dans une cage d’immeuble, poursuivis par des Mossos qui les ont passés à tabac. Un homme d’une soixantaine d’années affirme lui s’être fait ruer de coups alors qu’il discutait tranquillement avec un ami, dans une rue calme. Résultat ? Bras et doigts cassés.

Un autre jeune homme, qui traversait la rue à vélo pour aller chercher son amie à une station de métro, a été arrêté et matraqué à la tête : il a failli perdre son oreille.

La pelleteuse incendiée

Et la liste de ces violences policières est encore longue, comme le dénonce l’Observatoire du système pénal et des droits de l’homme
(l’Observatori del Sistema Penal i els Drets Humans).

Les interventions agressives des forces de l’ordre ont déclenché la riposte de certains manifestants. Lundi soir, la pelleteuse qui avait entamé la destruction du bâtiment a été incendiée, des poubelles brûlées...

Les incidents se sont multipliés pendant plusieurs jours. Les rues de Sants ont été militarisées, donnant l’impression d’un climat de guerre.

Des manifestations de soutient à Can Vies ont par ailleurs été organisées dans d’autres quartiers de Barcelone, et dans d’autres villes d’Espagne.

Il a fallu attendre vendredi pour que cessent les incidents, probablement après la déclaration du maire de rouvrir le dialogue et de stopper la destruction du centre.

Réunis pour la reconstruction

Samedi matin, des centaines de personnes s’y sont réunies. Objectif : reconstruire par eux-mêmes le bâtiment et reprendre tranquillement leurs activités.

Bien sûr, ce n’est pas le centre social Can Vies en tant que tel qui a
provoqué tant de mobilisations, mais bien plus le symbole qu’il portait :
la preuve qu’une vie alternative durable est possible.

Quelle urgence y avait-il à détruire le centre ? Aucune apparemment, si ce n’est la volonté de la mairie de Barcelone d’en finir avec les initiatives autogérées qui échappent au contrôle des institutions.

Pour les Barcelonais, cette expulsion a été celle de trop, dans une ville où ils ont l’impression que tout est de plus en plus pensé pour les touristes plus que pour eux-mêmes.

Cette semaine, Sants a retrouvé un peu de sérénité. Les habitants du quartier récoltent des signatures pour soutenir un manifeste [PDF] dans lequel sont dénoncées la militarisation de leur quartier et les violences policières de la semaine dernière.

Les occupants du squat, aidés par les habitants, des pompiers et des architectes, travaillent quant à eux à la reconstruction du centre.

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

 

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 17:17

 

Source : www.mediapart.fr

 

Espagne: et maintenant la République?

|  Par Ludovic Lamant

 

 

 

Après l'abdication de Juan Carlos, des partis et autres collectifs issus des mouvements « indignés » veulent la tenue d'un référendum sur l'avenir de la monarchie. La transition, cycle ouvert avec la mort de Franco en 1975, déjà mise à mal par la crise, est en train de prendre fin.

Cela n'a pas traîné. À peine Juan Carlos, né en 1938, 39 ans de règne au compteur, a-t-il annoncé, lundi matin, son abdication (la vidéo en VO est ici) que les appels ont fusé pour un référendum « dès maintenant » sur l'avenir de la monarchie en Espagne. Des partis de gauche mais aussi des collectifs issus de la mouvance « indignée » sont montés au créneau, appelant à des rassemblements dès lundi soir dans des dizaines de villes du pays.

Les écolo-communistes d'Izquierda Unida, les partisans de Podemos, ce nouveau parti qui fut la révélation des élections européennes, les écolos d'Equo ou encore les jeunesses socialistes (groupe relié au PSOE, mais indépendant quant à sa ligne politique) réclament tous une consultation populaire, pour savoir si les Espagnols veulent poursuivre avec la monarchie. Côté société civile, Ada Colau, star de l'activisme post-«15-M» longtemps à la tête de la plateforme anti-expulsions (PHA), l'écrivain Isaac Rosa ou encore le collectif Juventud Sin Futuro (« Jeunesse sans avenir », l'un des piliers du « 15-M »), ont tous, eux aussi, relayé l'appel.  

 

Comme Mediapart le racontait dans cette enquête publiée en avril, l'esprit républicain s'est invité dans les manifestations espagnoles des derniers mois. On a vu flotter le drapeau rouge, jaune et violet, identifié à la Seconde République (proclamée en 1931), dans les « marées » anti-austérité des professionnels de la santé ou de l'éducation, par exemple. Peu après le surgissement des « indignés » sur la place Puerta del Sol à Madrid en mai 2011, l'une des commissions qui s'était constituée au sein du mouvement, proposait d'en finir avec la monarchie : elle s'intitulait, non sans humour, « Toma la Zarzuela » (un appel à la prise de la Zarzuela, cette luxueuse résidence de Juan Carlos, dans les environs de Madrid).


 

Logique, donc, qu'au moment où le roi abdique, ces activistes tentent de se reposer, en grand, la question républicaine. Avec un sens du timing qui laisse pantois, Alberto Garzon, l'une des figures d'Izquierda Unida (que Mediapart a déjà interviewé ici), publie, cette semaine à Madrid, un essai programmatique au titre définitif : La Troisième République. Dans l'esprit de ce député, il s'agit de basculer de la monarchie à la république, pour en finir, avant tout, avec un régime corrompu, marqué par une collusion permanente entre milieux politiques et financiers (lire l'introduction ici).

La presse espagnole spéculait depuis des mois sur l'abdication du roi, tant sa fin de règne fut agitée. Aux problèmes de santé récurrents (huit opérations lourdes depuis 2009) se sont ajoutées des affaires de corruption éclaboussant le premier cercle familial (« l'affaire Noos », qui met en cause l'une des filles du roi, l'infante Cristina, et son mari, l'ex-champion olympique de handball Iñaki Urdangarin, accusés de détournement de plusieurs millions d'euros de fonds publics), des doutes sur l'origine de sa fortune apparemment colossale, mais aussi la révélation de frasques privées qui ont choqué nombre d'Espagnols piégés par la crise (à commencer par l'épisode de la chasse aux éléphants, au Botswana en 2013, chiffrée à 37 000 euros). Les sondages laissaient entendre qu'une majorité d'Espagnols réclamaient son départ (voir sur le site d'El Diario le diaporama des « dix images qui illustrent la décadence d'un règne »).

Mais le moment de l'annonce est particulier : cette abdication intervient à quelques jours du Mondial de football, et surtout une semaine à peine après les résultats des européennes, qui ont profondément re-dessiné le paysage politique espagnol. Les deux partis censés avoir assuré la stabilité de la vie politique depuis le début de la transition, le parti populaire (PP, au pouvoir) et le parti socialiste (PSOE, dans l'opposition), ont souffert d'une désertion de leur électorat. À eux deux, ils ne totalisent plus que 51 % (contre près de 85 % lors du scrutin de 2009).

D'autres formations en ont tiré avantage, comme Izquierda Unida (10 %), Podemos (8 %), ou encore UPyD (un parti centriste, 6,5 %). Ces poussées électorales ont confirmé, en creux, la fin du bipartisme espagnol « à l'ancienne ». Bref, en huit jours à peine, ce sont deux des piliers qui ont permis de négocier l'après-Franco, et d'assurer, pendant de longues années, la stabilité du pays, qui viennent de s'effriter. À cela s'ajoute la fragilité d'une constitution, qui date de 1978, mise à mal par les volontés indépendantistes de certaines communautés – comme la Catalogne. La « culture de la transition », pour reprendre l'expression du journaliste Guillem Martinez, qui a endormi l'Espagne depuis des décennies, s'est fissurée.


 

« La bonne nouvelle, c'est que la transition a pris fin, au bout de quarante ans », écrit sur son blog l'écrivain Isaac Rosa, défenseur ardent d'une Troisième République espagnole. « Elle se termine par assèchement, par effondrement, par une forme de pourrissement avancé des piliers qui la soutenaient : les institutions, le bipartisme, le système économique, le modèle territorial, et bien sûr, la couronne, qui s'est effondrée de l'intérieur, d'elle-même : ce n'est pas nous qui l'avons détruite. »

Et l'écrivain d'enfoncer le clou, en évoquant la « seconde transition » qui se profile, avec le règne de « Felipe » : « Philippe de Bourbon, que les publi-reportages nous présentent depuis des années comme un roi jeune, prêt pour l'exercice du pouvoir, proche des gens, qui vit ancré dans son temps, n'apportera que du vieux (« mas de lo mismo », ndlr). C'est un Bourbon : il appartient à cette tradition de rois qui, à chaque fois, ont échoué, et sont à l'origine de bien des maux du pays. Il a grandi dans l'ombre de son père et de sa famille, et son seul élément distinctif, c'est qu'il s'est marié à une plébéienne. Fin du changement. Il sera un chef d'État dont la seule légitimité est d'être un "fils de". Un anachronisme anti-démocratique, à une époque où les citoyens exigent davantage de démocratie. »

L'Espagne n'a connu qu'à de courts intervalles un régime républicain. Le premier épisode a duré moins de deux ans (1873-1874), précipité par le coup d'État du général Martinez Campos. Le second – le plus connu –, qui s'est étalé du 14 avril 1931 au 18 juillet 1936, a pris fin à cause du coup d'État d'un autre général, Franco. Ce dernier devait, au terme d'une guerre civile de trois ans, mettre en place une dictature. Après la mort de Franco le 20 novembre 1975, et l'arrivée sur le trône de Juan Carlos deux jours plus tard, l'Espagne allait finir par se doter d'une nouvelle constitution (1978), toujours en vigueur aujourd'hui.

Le débat reste entier, aujourd'hui, sur la responsabilité de la monarchie dans la crise actuelle, de l'effondrement de la bulle immobilière aux politiques d'austérité. Le sujet est loin de faire l'unanimité – y compris au sein des mouvements sociaux – dans une Espagne qui reste profondément conservatrice. Nombreux sont ceux qui jugent que le sujet n'est pas prioritaire. « La crise que nous vivons est si forte que personne ne l'interprète en rejetant la faute sur la monarchie. L'histoire de l'Espagne a été si triste qu'il n'existe pas de bons exemples de présidents républicains. Ils ont tous été catastrophiques et Azaña (Manuel Azaña, au pouvoir de 1936 à 1939, ndlr) est arrivé quand la guerre civile était déjà déclenchée, du coup la conscience sociale l'associe au chaos, à l'instabilité... », analysait il y a peu l'historien Pablo Sánchez León.

 

Source : www.mediapart.fr

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1 juin 2014 7 01 /06 /juin /2014 16:33

 

Source : www.bastamag.net

 

 

 

Europe

Vers un nouveau front populaire et écologiste espagnol 

par Nathalie Pédestarres 29 mai 2014

 

 

 

C’est la question qui brûle toutes les lèvres en Espagne depuis les résultats de l’élection européenne dimanche dernier... Y aura-t-il une fusion politique d’Izquierda Unida (gauche unie, 10% des suffrages à l’élection européenne), de Podemos (parti issu des Indignés, 8%) et d’Equo (écologistes, 2%) ? Cette coalition pèserait alors virtuellement 20% des voix et serait en mesure de concurrencer les conservateurs (PP) et les sociaux-libéraux (PSOE) qui dominent l’échiquier politique depuis la transition démocratique de 1978. A l’image de leurs homologues français, ces deux partis de gouvernement sortent très affaiblis du scrutin du 25 mai.

Malgré une base sociale commune, les trois formations de la gauche radicale n’ont pas l’intention de s’unir précipitamment sous une même et unique bannière. Mais le projet est sérieusement discuté en interne dans la perspective des élections générales de 2015. C’est ce qu’ont affirmé les porte-paroles des trois mouvements lors d’un débat radiophonique le 28 mai.

Un débat plein de prudence. Alberto Garzón, qui incarne un renouveau de génération à gauche, préfère parler de « confluences » plutôt que de « fusion », pour « additionner les forces ». Pour Iñigo Errejón, de Podemos, ce n’est pas tant l’unité de sigles qui importe mais « l’unité du peuple pour décider de son futur et récupérer sa souveraineté ». Les trois partis se sont donc mis d’accord pour se donner du temps. « Nous représentons des mouvements démocratiques, c’est donc notre base militante qui décidera », a tranché l’écologiste Juanxo López de Urralde.

En attendant une possible union officielle, les trois partis forment déjà un front commun pour défendre les classes populaires contre les abus de « la caste », les deux partis politiques majoritaires. Face à cette menace pour leur hégémonie historique, le PP et le PSOE en viennent aussi à évoquer une coalition. Un scénario à la grecque se profile-t-il en Espagne ?

 

 

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Source : www.bastamag.net

 


 

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26 mai 2014 1 26 /05 /mai /2014 16:48

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Les indignés de Podemos créent la surprise en Espagne

|  Par Laurence Rizet et La rédaction d'infoLibre

 

 

 

Le parti populaire (PP) au pouvoir et le parti socialiste (PSOE) ont enregistré une cuisante défaite aux élections européennes. Le collectif Podemos, issu du mouvement des indignés, crée la surprise en remportant 5 sièges au Parlement européen.

Podemos (« Nous pouvons ») fait une entrée triomphale sur la scène politique espagnole. Le collectif, emmené par le professeur de sciences politiques Pablo Iglesias, a dépassé les estimations les plus optimistes (2 sièges) de tous les instituts de sondages en remportant cinq sièges au Parlement européen dimanche 25 mai. Avec plus de 1,2 million de voix, il se rapproche des écolo-communistes d'Izquierda Unida (IU, Gauche unie), qui remportent six sièges (quatre de plus qu'en 2009). Jamais un parti avec à peine six mois d'existence n'avait emporté une telle adhésion.

Ces élections étaient les premières depuis l'arrivée de Mariano Rajoy à la présidence du gouvernement espagnol et le message des électeurs est clair : ils sanctionnent lourdement le parti populaire (PP, droite) au pouvoir… et encore plus le parti socialiste (PSOE) qui l'a précédé. Le parti de Rajoy gagne 16 sièges (26,06 % des suffrages, 8 sièges perdus) et la formation d'Alfredo Pérez Rubalcaba 14 sièges (23 %, 9 sièges perdus). La claque pour le bipartisme est sévère : aux européennes de 2009, ces deux partis cumulaient 47 des 54 sièges espagnols au Parlement de Strasbourg ; depuis hier, il n'en ont plus que 30, ne recueillant à eux deux même pas la moitié (49,06 %) des suffrages exprimés. Au cours d'une conférence de presse lundi, le secrétaire général du PSOE, Alfredo Pérez Rubalcaba, a assumé la responsabilité de la défaite et annoncé un congrès extraordinaire du parti les 19 et 20 juillet, avant des primaires ouvertes. Il ne démissionne pas mais ne se présentera pas.

 

 

Podemos devient à l'issue de ce scrutin la quatrième formation politique espagnole – dépassant UPyD (4 sièges) – et même la troisième en Aragon, dans les Canaries, à Madrid, aux Baléares et dans les Asturies. Outre Iglesias, figure la plus médiatique de Podemos, les nouveaux eurodéputés sont l'enseignante et militante contre les plans d'austérité dans l'éducation Teresa Rodríguez, l'ancien procureur anticorruption Carlos Jiménez Villarejo, Lola Sánchez et le scientifique Pablo Echenique-Robba.

Une fois les résultats annoncés, qui frisent les 8 % des suffrages exprimés, les sympathisants ont laissé éclater leur joie au siège de la formation à Madrid, communauté où elle a relégué IU à la cinquième place. Au cri de « oui on peut », ils ont fêté leur victoire, même si Iglesias a lancé un appel au calme : « Pour l'instant, nous n'avons pas atteint notre objectif qui est de former une alternative de gouvernement. » La tête de liste n'a pas manqué de souligner que ces 1,2 million de voix sont un « sérieux avertissement » pour le PP et le PSOE, et a promis de travailler avec « d'autres partis du sud de l'Europe » : « Nous ne voulons pas être une colonie de l'Allemagne », a-t-il lancé.

Surprise de cette soirée électorale en Espagne, le jeune parti tourne la page de ses débuts : la présentation, il y a moins d'un an, d'un manifeste dans lequel il dénonçait la « soumission des institutions aux pouvoirs économiques » et qui voulait regagner la souveraineté populaire à une époque de « profonde crise de légitimité » de l'Union européenne. « Transformer l'indignation en changement politique » : voilà ce qu'il proposait.

L'irruption d'un nouveau parti capable de séduire son électorat inquiétait Izquierda Unida ces dernières semaines, mais des tentatives de rapprochement en vue d'une candidature unique aux élections européennes ont échoué. Podemos avait posé comme condition d'alliance l'organisation de primaires ouvertes, alors qu'IU faisait le choix de soumettre une candidature aux fédérations et à une commission de 15 dirigeants. Le jeune parti a décidé d'organiser ses propres primaires, auxquelles 33 000 personnes ont participé, votant à plus de 60 % pour une candidature Iglesias.

La tête de liste, qui a terminé sa campagne vendredi « convaincu » que « la caste (dirigeante, ndlr) et ses partis » allaient recevoir « une correction des électeurs », a tenu des meetings et réunions dans plusieurs villes, en faisant un usage intensif des réseaux sociaux et en participant à des débats télévisés. « Nous avons réussi à mobiliser ce que personne n'a réussi à mobiliser : l'illusion », a-t-il déclaré au cours de son dernier meeting devant 4 000 sympathisants réunis à Madrid vendredi 23 mai.

Dorénavant, Podemos devra décider d'intégrer ou pas les groupes européens existants. Celui de la Gauche unitaire européenne (GUE), où figure le Grec Alexis Tsipras de Syriza, a sa préférence. Iglesias a répété à de nombreuses occasions sa volonté d'entrer dans le même groupe qu'IU, qu'il a qualifié de « groupe naturel » pour Podemos.

Il devra aussi décider de son avenir politique pour les prochaines échéances nationales. Iglesias a déclaré que le défi est de se poser comme alternative aux partis dominants lors des prochaines élections générales, l'année prochaine, auxquelles le parti a « vocation » à se présenter.

Quant au Parlement européen, Iglesias a souligné que parmi les premières mesures que son parti voulait défendre figuraient la baisse des salaires des eurodéputés et la “directive Villarejo” visant à lutter contre la corruption en limitant le nombre de mandats et les salaires, en durcissant le régime d'incompatibilités pour décourager le cumul mandat/responsabilités dans le privé, et en éliminant les privilèges.

Si Podemos a mordu sur l'électorat d'IU, ce parti a néanmoins triplé son nombre de sièges par rapport à 2009 avec l'élection de 6 eurodéputés (13,44 % des suffrages) ; il enregistre aussi son meilleur résultat depuis 1994. Sa tête de liste, Willy Meyer, s'est déclaré dimanche soir « triplement satisfait », assurant que « l'objectif » d'IU était atteint : « vaincre le bipartisme ». « Nous sommes déterminés à construire un nouveau projet pour le pays, et toutes les alliances de gauche sont nécessaires pour une alternative aux politiques néolibérales », a déclaré Cayo Lara, le coordinateur fédéral d'IU, évoquant ainsi une possible alliance avec Podemos. Soulignant que Rajoy avait voulu faire de ces élections un référendum, il a affirmé qu'il n'avait « d'autre légitimité que de présenter la démission de tout le gouvernement, de dissoudre l'assemblée et de convoquer des élections générales ».

Le parti X, issu lui aussi du mouvement des indignés de 2011, n'a emporté aucun siège. Emmené par l'informaticien franco-italien Hervé Falciani, il a mené une campagne électorale beaucoup plus discrète.

Laurence Rizet avec Manuel Rico, Daniel Ríos et Ibon Uría de la rédaction d'infoLibre, journal numérique partenaire de Mediapart

 

Lire aussi

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

 

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28 mars 2014 5 28 /03 /mars /2014 18:10

 

Source : www.bastamag.net

 

 

Indignés

Mouvement contre l’austérité et la corruption : vers un nouveau printemps espagnol ?

par Nathalie Pédestarres 27 mars 2014

 

 

 

 

 

Plusieurs centaines de milliers de personnes ont manifesté contre l’austérité et le remboursement d’une dette jugée « odieuse », à Madrid le 22 mars. Trois ans après le « mouvement des indignés », collectifs citoyens, syndicats et partis de gauche ont réussi à s’unir pour « le droit à une vie digne pour tous ». La mobilisation réussira-t-elle à dépasser les dissensions et les nombreuses défiances vis-à-vis des organisations traditionnelles ? Une grève générale se prépare pour avril.

C’est une mobilisation sans précédent dans l’histoire de la démocratie espagnole. Près de deux millions de personnes, selon les organisateurs – 50 000 d’après les chiffres officiels... – ont convergé le 22 mars sur Madrid pour une « Marches pour la Dignité ». Objectif : reprendre le flambeau du formidable élan contestataire, le mouvement des « indignés », né le 15 mai 2011 sur la Puerta del Sol madrilène et tenter de contrer la politique d’austérité menée par le gouvernement conservateur.

Un mouvement social contre l’austérité

L’initiative, en préparation depuis six mois, vient d’une alliance improbable : celle de syndicats, de mouvements sociaux, de collectifs spontanés, et de partis politiques. Chacun s’était jusqu’alors tenu à une distance respectable les uns des autres. « Cette union d’organisations aussi diverses dans leurs doctrines, leurs pratiques et leurs stratégies représente un moment historique dans l’histoire de la démocratie espagnole ! », s’enthousiasme Ginès Fernández du Front civique (Frente Cívico), un collectif d’inspiration marxiste, créé récemment par l’ancien secrétaire général du PC espagnol, Julio Anguita. L’objectif de ces centaines de milliers de personnes ? Refuser de payer la dette « odieuse » de l’Espagne, de subir une coupe budgétaire de plus, de se laisser gouverner par la « troïka » (la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international) et garantir à chaque citoyen les droits fondamentaux de subsistance, de travail et d’accès à un logement digne.

Les trois années qui séparent la naissance du 15-M de celle du 22-M ont montré les limites d’un mouvement citoyen dont l’énergie transformatrice s’est épuisée dans des assemblées interminables et dont l’horizontalité intégrale a conduit à l’atomisation des luttes (voir notre analyse). « Le 22 M est une avancée manifeste par rapport à un 15-M qui n’a jamais proposé d’alternative clairement définie au gouvernement actuel », explique l’économiste d’origine argentine Jorge Fonseca, professeur à l’Université autonome de Madrid et membre du comité scientifique de l’association altermondialiste Attac.

L’économiste n’y va pas de main morte : « Avec cette formidable mobilisation, le 22-M donne un bon coup au foie de tous ces technocrates et collaborateurs des gouvernements espagnol et européen qui violent les droits de l’homme ». Il fait notamment allusion aux dernières réformes législatives du gouvernement du Parti populaire, la droite espagnole, qui creusent le fossé des inégalités et répriment toujours plus les libertés et les droits fondamentaux, pourtant inscrits dans la Constitution.

Privatisation, répression, corruption

Outre la privatisation rampante des services publics dans la gestion de l’eau, l’éducation et la santé, le gouvernement souhaite un durcissement de la loi sur l’avortement, n’autorisant l’interruption de grossesse qu’en cas de viol ou de danger pour la santé de la mère. Côté répression, les nouvelles lois de « Sécurité citoyenne » (sic) imposent des amendes exorbitantes aux manifestations « non autorisées par les autorités municipales ». Celles relatives à la protection des débiteurs hypothécaires n’introduisent pas la dation en paiement – le fait de se libérer d’une dette par une prestation ou un bien différent de celui qui était initialement dû – comme le réclamaient les plateformes citoyennes de défense des personnes expulsées de leurs logements (lire notre article : Les Indignés espagnols se battent contre l’endettement à vie).

Un projet réforme de la loi du travail prévoit d’abaisser les indemnités de licenciement. En parallèle, la Justice voit son champs d’actions limité par une restriction des conditions dans lesquelles un juge espagnol peut enquêter sur des délits commis hors du territoire national. Des scandales de corruption ont récemment marqué la vie politique, comme l’affaire « Barcenas », du nom de l’ancien trésorier du Parti populaire (PP), soupçonné de fraude fiscale, corruption et blanchiment d’argent. Ou encore l’arnaque aux petits épargnants du conglomérat bancaire Bankia (lire ici) par la vente de produits financiers toxiques, vente qui a bénéficié à ses anciens dirigeants et membres du PP. Si l’on ajoute l’augmentation de taxes, comme la TVA ou les cotisations sociales, exigée par l’Union européenne pour juguler le déficit, les espagnols se sentent de plus en plus roulés dans la farine par un gouvernement, entaché par la corruption.

La difficile union des syndicats

Cette situation a décidé plusieurs syndicats de monter au créneau, comme le Syndicat andalou des travailleurs (SAT), incarné par son dirigeant charismatique Diego Cañamero et dont plus de 400 militants encourent des peines de prison et des amendes extrêmement lourdes, notamment pour des occupations de terres [1]. C’est sous l’impulsion de Diego Cañamero, que de nombreux syndicats minoritaires se sont ralliés aux marches pour la dignité.

« Il faut maintenir cette unité coûte que coûte pour parvenir à nos objectifs », prévient Ginès Fernández, du Front civique. Cela ne se fera pas sans difficultés. Dès le 23 mars, les manifestants à peine rentrés chez eux, les premières dissensions n’ont pas tardé à apparaître... En particulier sur le financement des syndicats, un sujet également épineux en France. Les syndicalistes alternatifs considèrent que vivre de subventions n’est jamais gratuit. Les deux syndicats majoritaires – et subventionnés par l’État –, la confédération syndicale CCOO et l’UGT (chacun revendique près d’un million de membres) n’ont pas été invités à participer aux marches. « Les gens ont fini par se rendre compte que ces deux grands syndicats ne font pas partie de la solution mais qu’ils contribuent au problème. Je ne fais pas là allusion à la base, aux militants, mais plutôt aux dirigeants [Ignacio Fernández Toxo, secrétaire général de la CCOO et Cándido Méndez, secrétaire général de UGT] qui tout au long de ces dernières années ont signé la reddition des travailleurs dans toutes les luttes auxquelles ils ont participé », remarque l’artiste engagé Willie Toledo.

Défiance vis-à-vis des partis de gauche et des médias

La défiance vis-à-vis des formations politiques, y compris de la gauche radicale, est encore grande. Le Parti socialiste espagnol (PSOE), au pouvoir jusqu’en 2011, n’a bien évidemment pas été invité à la marche. Au sein même des participants, des syndicats alternatifs, des collectifs non partisans et des plateformes citoyennes reprochent au SAT (également subventionné par l’État) et à la Gauche unie (Izquierda Unida), sorte de Front de gauche espagnol, de « voler la vedette » aux dépens du travail commun. Lors de la marche, aucun candidat n’était autorisé à prendre la parole pour éviter tout « racolage » électoral.

Les médias ont aussi été accusés d’imposer un « black-out » sur le mouvement et de ne pas rendre compte des violences policières qui ont marqué la fin de la manifestation. Une journaliste de El Mundo, qui a souhaité garder l’anonymat, confirme qu’il existe bel et bien « un intérêt, de la part du ministère de l’Intérieur, à ce que sa version des faits soit en priorité connue des médias ». « Cela fait partie du jeu. Les grands médias servent de canal de communication au gouvernement qui, en échange, leur donne des scoops dont ils dépendent. Il faudra donc être attentif aux prochaines unes... », dit-elle.

« Nous avons assez perdu de temps »

Malgré ces obstacles, le mouvement social est relancé. Depuis le samedi 22 mars, les campements et les manifestations se succèdent, à Madrid, devant différents ministères, en dépit de la présence policière et de la désinformation. Celle ci est d’ailleurs contournée grâce au renouveau de médias alternatifs (Diagonal, Publico...) et des réseaux sociaux. Des assemblées populaires se sont tenues sur la Puerta del Sol et sur le parvis du Musée Reina Sofia mais cette fois pour réclamer du concret : « Nous avons assez perdu de temps à nous organiser, maintenant il faut traduire les luttes politiquement ! », s’exclame un étudiant en droit.

Les jeunes, en particulier, réclament des mesures concrètes et soupirent discrètement pendant que leurs aînés empoignent le micro pour se lancer dans de longues diatribes messianiques... « Il faut renforcer les contacts avec les collectifs sociaux qui existent déjà dans toutes les régions et concrétiser des projets avec eux, sinon nous n’arriverons à rien », râle un autre étudiant. 19 des 20 manifestants arrêtés le 22 mars lors des affrontements avec la police ont été libérés grâce à une manifestation devant les tribunaux. Une première victoire. Une grève générale est en préparation pour la fin du mois d’avril.

Nathalie Pédestarres, à Madrid

Photo : source

 

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Source : www.bastamag.net

 

 

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28 mars 2014 5 28 /03 /mars /2014 17:25

 

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